La maison allemande, Annette Hess : juger les nazis


La maison allemande – Résumé

Eva vit chez ses parents, de modestes restaurateurs en Allemagne qui tiennent une auberge baptisée « La maison allemande ». En attendant le jour où, elle l’espère, son amoureux Jürgen leur demandera sa main, Eva mène une vie de femme moderne, travaillant comme interprète.

Un jour, on lui propose d’exercer son métier lors d’un grand procès qui s’ouvrira pour juger des hommes ayant travaillé dans un camp en Pologne, Auschwitz. Sans pouvoir l’expliquer, Eva se sent en devoir d’accepter cette mission, malgré les réticences de ses proches qui estiment que le passé est le passé…


Auteur.
Taille du livre416 pages.
Note – ★★★★☆

La maison allemande, Annette Hess

La maison allemande – Avis sur le livre

Le roman d’Annette Hess ne se pose pas avant d’en avoir parcouru la dernière ligne, tant on a envie de connaître l’issue de l’histoire…

Il révèle toute la complexité avec laquelle l’Allemagne et ses habitants ont dû, après la Seconde Guerre Mondiale, vivre avec les crimes commis par une partie de la population à cette époque. Certains sont coupables d’avoir participé, d’autres coupables de ne pas avoir dénoncé. Certains ont été acteurs de la situation sans avoir conscience qu’ils l’étaient, d’autres spectateurs de drames qui les ont laissés impuissants.

Eva Bruhns, la héroïne de cette « maison allemande » d’Annette Hess, est une jeune femme comme tant d’autres. Encore non mariée, elle vit chez ses parents comme l’exigent les convenances et la morale, aux côtés de sa soeur Annegret – qui travaille auprès de nouveaux-nés à l’hôpital – et de son petit frère Stefan. Elle est éprise de Jürgen, héritier d’un empire commercial tandis qu’elle est fille de modestes restaurateurs. Jürgen est un homme difficile, qui envisageait de devenir prêtre avant d’être rappelé par ses obligations familiale.

Il en résulte une dynamique intéressante, avec cette différence de milieux sociaux qui complexifie leurs rapports… et une approche très différente de la relation. Jürgen souhaite attendre le mariage avant d’avoir des rapports sexuels, tandis qu’Eva est plus libérée (sans toutefois être frivole). C’est une femme moderne pour l’époque, qui travaille et tient à cette indépendance, laquelle n’est pas seulement financière mais est aussi une indépendance de l’esprit.

Eva a toujours été attirée par la langue polonaise, sans vraiment savoir l’expliquer. Elle est devenue interprète professionnelle… et un jour, on la convoque pour une nouvelle mission : intervenir lors d’un procès pour traduire en direct les déclarations des témoins. Sur le banc des accusés ? Des hommes ayant appartenu à la SS et ayant travaillé dans le camp d’Auschwitz.

Ce procès révèle à lui seul toute la complexité des sentiments qui animent la population à l’époque : certaines personnes nourrissent encore un antisémitisme profond, que l’on découvre à travers le vécu de témoins comme Otto Cohn, juif orthodoxe ; d’autres estiment qu’il n’est pas bon de remuer le passé, pour mille raisons (les parents d’Eva le pensent, tout comme son amoureux)…

« Eva s’installa à la table de la cuisine, étala les journaux devant elle et se mit à lire. Ce qui ressortait de la plupart des articles, c’était qu’il fallait tirer un trait sur le passé. Les vingt et un accusés étaient de gentils grands-pères ou pères de famille, de braves citoyens travailleurs qui avaient traversé le processus de dénazification sans se faire particulièrement remarquer.

L’argent des impôts serait mieux investi à bâtir l’avenir. Les puissances victorieuses, elles-mêmes, avaient clos le chapitre. « Quand l’herbe pousse sur une affaire, il faut toujours qu’un idiot de chameau vienne la brouter ». Dans le cas présent, le chameau avait les lunettes et la coiffure du procureur général ».

Pour la population de l’époque, ce procès équivaut à se confronter à la réalité d’accusations et de faits qui dépassent l’entendement. Aujourd’hui, on a beaucoup parlé des camps de concentration et d’extermination, ils font partie des livres d’histoire si bien que la part de gens n’en ayant pas connaissance est réduite. On a accumulé des preuves, des archives, il y a eu des procès, des témoignages, des lieux de mémoire « construits » et des spécialistes pour se faire les relais de cette mémoire.

Mais ce que nous montre Annette Hess, c’est qu’à l’époque, les choses étaient bien plus floues. Les rumeurs se mêlaient à la réalité, provoquant parfois une distorsion et surtout, une incapacité de certains à admettre que tout ceci avait REELLEMENT pu avoir lieu. Les chambres à gaz, les meurtres, les actes de barbarie, les tueries arbitraires…

Eva sent qu’elle doit accepter ce travail, quelles que soient les forces qui tentent de l’en dissuader. Elle a l’intuition qu’au-delà du travail de la justice lui-même, cela va lui permettre une rencontre avec elle-même.

Il en résulte un roman passionnant, une fiction qui prend appui sur quelques déclarations et faits réels qu’Annette Hess partage dans une postface. Les personnages ont tous beaucoup de profondeur, des vécus parfois similaires mais avec des ressentis très différents, un rapport à la culpabilité et à la responsabilité différent.

Cela permet de revisiter cette époque de l’histoire à travers les multiples facettes d’un prisme qui n’achève jamais d’en dévoiler de nouvelles.


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