A table avec Montaigne, Brigitte Picandet : changez de regard sur les « régimes » !

Dans ce livre, A table avec Montaigne, elle pose les fondements d'une approche de la nutrition profondément bienveillante.

Nous sommes abreuvés au quotidien d'injonctions médiatiques et médicales en matière d'alimentation. On nous fournit des listes d'aliments à consommer ou à éviter, souvent copieusement arrosées d'idées reçues. Tel aliment fait grossir ou fait maigrir, est bon pour tel ou tel organe, doit être absorbé en telle ou telle quantité...

Tant et si bien que les personnes souffrant d'un rapport compliqué avec leur poids finissent par ne plus savoir à quel saint se vouer et ressentir une grande culpabilité à l'idée de ne pouvoir suivre toutes ces injonctions hautement paradoxales !

"Des recommandations trop théoriques, des règles comportementales trop strictes, des consignes trop restrictives quant à la nature des aliments, ne peuvent être suivies dans la durée, et de ce fait, il apparaît spontanément un certain degré de culpabilité chez celui qui s’était engagé à les suivre et n’y
parvient pas. L’incapacité "programmée" à les respecter va faire naître une série impressionnante de déconvenues et une perte de confiance en soi" (Brigitte Picandet)

Le Dr Picandet n'est pas un médecin pro-régime. Elle ne préconise pas tel ou tel mode d'alimentation soi-disant révolutionnaire, qui produit souvent l'effet inverse à celui recherché : une brève perte de poids puis un rebond phénoménal qui vous enfonce encore plus dans l'obésité.

Elle prône au contraire un retour à une approche aussi simple qu'oubliée : celle des sensations et du "bien manger" dans son sens le plus noble. Son point de départ : les écrits de Montaigne, qui a largement évoqué dans ses œuvres le plaisir de faire bonne chère.

L'homme a vécu 59 ans... au 16e siècle, époque où l'espérance de vie moyenne en France était inférieure à 25 ans chez les hommes ! De quoi l'ériger en autorité lorsqu'il est question de vivre sainement !

Le philosophe a déjà inspiré d'autres essayistes sur le terrain de l'alimentation, notamment Christian Coulon (professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Bordeaux) qui a publié en 2009 La table de Montaigne.

Ici, Brigitte Picandet décortique une par une de nombreuses idées reçues sur l'alimentation (l'idée que sauter un repas est mauvais, qu'il faut toujours prendre un bon petit-déjeuner...), s'appuyant tant sur des citations de Montaigne que sur des études scientifiques récentes. Elle souligne à quel point nous avons perdu, dans nos sociétés modernes, la conscience simple de nos sensations physiques.

On mange souvent parce que "c'est l'heure", parce que le repas s'inscrit dans une sorte de ritualisation du quotidien et vient s'intercaler comme une pause systématique dans nos emplois du temps chargés... au lieu de manger par faim, par désir et par besoin. On oublie souvent d'écouter son désir de manger ou de ne pas manger, ou encore la sensation de satiété.

Et l'on oublie le plaisir simple d'un bon repas, varié, en bonne compagnie, à un rythme normal... par opposition avec un repas pris à la va-vite par obligation ou impérieuse nécessité de se nourrir.

"Dans nos sociétés développées, alors que l’accès à la nourriture est de plus en plus facile, que la sécurité alimentaire est en progrès constant, le comportement alimentaire est devenu un sujet. La relation à l’aliment, attendue comme plus sereine, s’avère plus compliquée" (A table avec Montaigne)

L'approche de Brigitte Picandet est profondément déculpabilisante et si vous souffrez de problèmes de poids, ce livre pourrait vous donner du baume au cœur. Il suggère en effet de ne se priver de rien... mais de réapprendre à profiter de tout avec mesure, en s'écoutant et en prenant soin de soi tant physiquement que psychiquement.

Le livre est court mais développe une réflexion intéressante. A mon sens, elle aurait été d'autant plus riche en la nourrissant d'anecdotes "vécues". Des "histoires de patients" voire des témoignages de personnes ayant justement revu leur rapport à la nourriture, non pas dans une perspective de privation mais plutôt en réapprenant à s'écouter.

Je trouve que cela aurait enrichi le livre sur le plan humain et donné plus de poids (pardon pour l'expression !) à cette approche nutritionnelle positive !