Alabama Monroe – Résumé
Elise, qui gère un salon de tatouage, se laisse séduire par Didier, un barbu jovial passionné par la musique bluegrass.
Le couple mène une existence simple mais profondément épanouissante, vivant à la campagne dans une caravane au cœur de la Belgique, prenant du plaisir à chanter ensemble et à s’aimer sans retenue.
Leur indéfectible passion est cimentée par la naissance d’une petite fille, Maybelle. Mais lorsque celle-ci tombe malade et qu’on lui diagnostique un cancer, le couple se retrouve mis à l’épreuve, ébranlé dans ses fondements.
La maladie révèle leurs divergences de vision sur le plan religieux, fait ressurgir des épisodes enfouis du passé. Peuvent-ils lutter, au nom de leur fille, contre ce fossé qui se creuse entre eux et menace de faire exploser leur union ?
Réalisateur – Felix van Groeningen.
Durée du film – minutes.
Note – ★★☆☆☆
Alabama Monroe – Avis sur le film
Il nous raconte l’histoire d’un couple que le résumé du film présentait comme inhabituel dans la mesure où Didier était décrit comme un « romantique athée » et Elise comme une « réaliste croyante ». En résumé, ce que le cinéma aime décrire comme l’histoire de deux êtres qui n’auraient jamais dû être ensemble mais que les circonstances ont réunis… et qui doivent faire face à l’adversité, promettant aux spectateurs de grandes émotions et une belle morale.
Hum. Ça, c’est sur le papier. En réalité, ce couple n’est pas si mal assorti qu’il n’y paraît. Elise est une femme de caractère, qui gère un salon de tatouage et encre (ancre ?) sur sa peau les histoires d’amour qu’elle vit. Ce look de femme tatouée pourrait la faire passer pour une dure… mais à mes yeux, il lui donne au contraire une image profondément romantique. Celle d’une femme qui a la capacité de croire que chacun des hommes qu’elle rencontre pourrait être l’homme de sa vie, celui dont on tatoue le nom sur sa peau pour l’éternité… ou jusqu’à ce qu’on le recouvre par un dessin habile.
Il est vrai qu’Elise semble résolue à l’idée que la vie peut vous reprendre ce qu’elle vous donne. Ça ne l’empêche pas d’être profondément attachante et l’interprétation de Veerle Baetens m’a convaincue… car elle a su donner à ce petit bout de femme une vraie personnalité mais aussi une fragilité latente.
Quant à Didier, il est athée, certes. Romantique, sans doute, comme le sont beaucoup de couples qui s’aiment. Mais je n’ai pas eu l’impression que ça le définissait en tant qu’homme. Didier est habité par une multitude de sentiments et sa voie d’expression à lui n’est pas le tatouage mais la musique bluegrass qu’il pratique au sein d’un groupe. Le film Alabama Monroe est parsemé de séquences musicales qui révèlent à la fois la richesse mélodique et la puissance émotionnelle de ce courant initié par un certain Bill… Monroe.
C’est Didier que j’ai, pour ma part, perçu comme un réaliste. Lorsqu’il apprend qu’Elise est enceinte, alors qu’ils vivent dans une caravane, il décide de retrousser ses manches pour offrir à sa famille une vraie maison. Plus tard, lorsque sa fille le questionne sur le devenir de l’oiseau mort qu’elle a trouvé, il lui répond de manière très factuelle (et très maladroite !) qu’il va aller… à la poubelle. Il a souvent ce côté terre-à-terre par comparaison avec Élise, capable de défendre une vision beaucoup plus poétique et spirituelle du monde.
C’est leur petite fille Maybelle qui va nourrir le cœur du film… puisque l’on apprend très vite qu’elle est malade d’un cancer. La maladie n’est évoquée qu’à travers des images furtives, souvent pudiques : la découverte de la maladie, le diagnostic, les options de traitement, la perte des cheveux, les périodes qui suivent les chimios…
La maladie n’est pas le sujet du film mais c’est elle qui va alimenter l’histoire : en effet, le cancer de Maybelle va révéler toutes les divergences qui existent au sein du couple. Les parents d’enfants atteints d’un cancer disent souvent que soit la maladie cimente leur couple, soit elle le détruit. C’est précisément à cette réalité que Didier et Élise font face.
Il y a d’abord la recherche d’un coupable : est-ce à cause de l’un ou de l’autre que le cancer s’est déclenché ? Auraient-ils pu faire quelque chose pour l’éviter ? Il y a ensuite la façon d’affronter la réalité : Elise est ouverte à la notion de réincarnation tandis que pour Didier, la mort est une fin en soi. Inévitablement, l’issue (potentiellement) fatale est une perspective qu’ils n’envisagent pas de la même manière.
Alabama Monroe correspond au récit mêlé de leur amour, de leurs dissensions, de la vie de leur fille, de ce qui les unit et de ce qui les sépare… Un récit assez décousu sur le plan temporel : les scènes racontant l’évolution de la maladie de Maybelle s’entremêlent avec des scènes du passé décrivant la naissance de la relation entre ses parents… et tout au long du film, on retrouve ces bascules entre passé et présent.
Le parti pris est intéressant d’un point de vue narratif car il souligne que chaque élément de notre vécu peut venir un jour se réveiller à notre conscience dans certaines circonstances. Par exemple, Didier n’avait pas bien réagi lorsqu’Élise lui avait annoncé sa grossesse : il ne se sentait pas prêt à être père. Un « détail » vite effacé par les préparatifs de la naissance, une fois le choc passé… mais qui ressurgit des années plus tard quand Maybelle tombe malade.
Néanmoins, ce parti pris m’a empêchée de rentrer pleinement dans l’histoire, « émotionnellement parlant ».
Les couleurs et les personnages eux-mêmes m’ont parfois donné l’impression de regarder un vieux film des années 60 avec des accents hippie : retour à la nature, une vie pas forcément très conventionnelle mais guidée par la recherche du bonheur, une sexualité vibrante largement montrée à l’écran…
Et pourtant, l’histoire se déroule à l’époque moderne… et Didier se lance à un moment du film dans une diatribe d’une violence inouïe contre les gens qui sont pétrifiés dans le passé et dans leurs principes religieux d’un autre temps. J’ai d’ailleurs trouvé la scène en question particulièrement dérangeante… et encore plus dérangeant le fait qu’aucun personnage autour de lui ne réagisse à sa perte de contrôle. Comme si, subitement, tous s’étaient transformés en statues de cire.
Alabama Monroe est un film profondément tragique même s’il révèle aussi des sentiments intenses. Les chansons interprétées par le groupe de Didier tombent souvent à point nommé. Les non-anglophones n’en prendront pas forcément la pleine mesure mais par exemple, le titre « If I Needed You » de Don Williams est joué juste au moment où le couple menace d’éclater. Les paroles, en français, disent notamment : « Si j’avais besoin de toi, viendrais-tu à moi ? Viendrais-tu à moi pour apaiser mon chagrin ? Si tu avais besoin de moi, je viendrais à toi. Je traverserais la mer à la nage pour apaiser ton chagrin ».
À titre personnel, je n’ai pas aimé le film en partie à cause de son montage déroutant sur le plan chronologique, de son rythme lent, de certaines scènes (comme la diatribe de Didier) presque trop violentes verbalement pour ne pas entacher ma vision du personnage dans son ensemble… Mais je reconnais malgré tout que les partis pris choisis sont bien assumés. C’est juste qu’ils ne me parlent pas et si vous voyez ce film, vous aurez peut-être un ressenti totalement différent !
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Bonsoir, ce film est juste sublime, magnifiquement interprété. La douleur abyssale de la ça perte d’un enfant, le deuil impossible, le déchirement d’un couple face à l’indicible. J’ai sans doute un autre regard, moi , orphelin de mon fils. La fin est surprenante mais personne n’en parle ( spectatrice de son corp sans vie, et du désarroi de son mari) y’a t’il une vie après la vie ?
Plein de courage, Denis, car c’est une épreuve dont on ne se remet jamais vraiment. Je pense que l’entourage a un rôle clé à jouer, trop souvent c’est aussi un cataclysme relationnel, entre les gens qui ne savent pas quoi dire, qui ne disent rien par peur de la maladresse, qui s’éloignent ou qui font « comme si » rien n’avait changé alors qu’on sait bien que ça ne pourra pas être comme avant.
Hello Marlène !
Je tombe sur ce blog alors que j’ai l’habitude de te suivre sur No Tuxedo, au départ je me suis dit « ohhh on lui a volé son design » haha ! Enfin bref…
Donc oui, ce film… Ce film évoque pour moi des choses tellement différentes ! C’est le dernier film que j’ai été voir seule au cinéma, quelques jours avant d’accoucher de ma fille, et je pense que mes émotions à fleur de peau à l’époque ne sont pas pour rien pour la résonance qu’il a eu en moi… Sans parler de cette musique que j’ai trouvée divine, et de ces tatouages qui m’ont fascinée.
Alors oui, ce film a certaines maladresses, je te rejoins sur l’esprit « 60’s » qui se dégage, mais tant émotions, au contraire de mon côté en le visionnant.
En tous cas, je te remercie pour cette critique détaillée, qui m’a replongée avec plaisir dans les souvenirs liés à ce film, et dans l’écho de ces quelques jours hors du temps avant que je ne devienne maman.
Bises
Hello Sarah, j’imagine que le film a un écho tout particulier quand on vit/a vécu soi-même cette étape si particulière d’une vie de femme :) Je te souhaite en tout cas de profiter de ces moments avec autant de bonheur que possible !