Balzac et la Petite Tailleuse chinoise – Résumé
En Chine, en 1971, deux adolescents – le narrateur et son ami Luo – laissent derrière eux la ville où ils ont grandi pour être envoyés en « rééducation » dans un minuscule village sur la montagne du Phénix du Ciel.
Leur tort ? Ils sont issus d’un milieu intellectuel, avec des parents médecins ou dentistes que le régime communiste soupçonne d’être des graines de réactionnaires.
Alors, appliquant les décisions du président Mao qui a fait fermer les universités et bannir la plupart des livres, on place les jeunes dans un cadre de vie très défavorisé, où ils doivent accomplir des tâches éreintantes, afin de sensibiliser les élites intellectuelles du pays aux conditions de vie réelles des plus pauvres…
Auteur – Dai Sijie.
Taille du livre – 226 pages.
Note – ★★★★☆

Balzac et la Petite Tailleuse chinoise – Avis sur le livre
A cette époque, Mao affirme que le communisme est en danger… à cause des « bourgeois » infiltrés à tous les postes clés de la société, et dont l’ambition est de restaurer le capitalisme. Afin de lutter contre ce qu’il estime être une menace, le président chinois multiplie les actions et les persécutions.
Parmi les mesures prises à l’époque, Mao estime que les jeunes issus de ces milieux « bourgeois » et intellectuels doivent être rééduqués. Il crée un mouvement, à la fin des années 70, qui enverra plus de 17 millions d’adolescents dans des villages de montagne ou à la campagne, afin de découvrir la vie que mènent les paysans et les ouvriers.
« Découvrir » est un doux euphémisme car en réalité, on arrache littéralement les jeunes à leur famille, pour les envoyer en exil dans des régions isolées où ils doivent accomplir les difficiles travaux des champs. Au total, près de 10% de la population urbaine en 1970 a ainsi subi l’exil. Mao, lui-même originaire de la campagne, estimait qu’il était primordial pour ces jeunes étudiants de connaître cette vie pour en comprendre pleinement les enjeux. Beaucoup en sont morts.
L’auteur du livre Balzac et la Petite Tailleuse chinoise a vécu de près cette situation. En effet, Dai Sijie est né en Chine en 1954… et a donc subi de plein fouet la Révolution culturelle chinoise. Ses parents, médecins – comme ceux du héros du roman – ont été emprisonnés et il a quant à lui été envoyé en rééducation dans un village de montagne du Sichuan.
C’est précisément le destin du narrateur de son roman. Arraché à ses parents, envoyé avec son meilleur ami Luo dans la montagne du Phénix du Ciel. Un lieu très isolé, bien loin de l’environnement urbain dans lequel ils ont grandi :
« Le Phénix du Ciel comprenait une vingtaine de villages, dispersés dans les méandres de l’unique sentier, ou cachés dans les vallées sombres. Normalement, chaque village accueillait cinq ou six jeunes venus de la ville. Mais le nôtre, perché au sommet, et le plus pauvre de tous, ne pouvait en prendre que deux en charge : Luo et moi ».
Ils vont devoir partager le quotidien des paysans, la difficulté extrême des travaux des champs, en supportant la méfiance dont ils font l’objet dans le village. Le tout, avec un infime espoir d’être un jour considérés comme « rééduqués », ce qui leur permettrait de regagner leur foyer et de reprendre une vie normale.
« Normalement, un jeune issu d’une famille normale, ouvrière ou intellectuelle révolutionnaire, qui ne faisait pas de bêtise, avait, selon les journaux officiels du Parti, cent pour cent de chances de finir sa rééducation en deux ans, avant de retourner en ville retrouver sa famille.
Mais, pour les enfants des familles cataloguées comme « ennemies du peuple », l’opportunité du retour était minuscule : trois pour mille. Mathématiquement parlant, Luo et moi étions « foutus ». Nous restait la perspective réjouissante de devenir vieux et chauves, de mourir et de finir enveloppés du linceul blanc local, dans la maison sur pilotis. Il y avait vraiment de quoi se sentir déprimé, torturé, incapable de fermer les yeux ».
Dans cet environnement rude et hostile, le narrateur et son ami trouvent heureusement une source infinie de réconfort : un jour, alors qu’ils se rendent dans un village voisin pour faire rallonger le pantalon de Luo chez le tailleur, ils font la connaissance de sa fille, la « Petite Tailleuse ». Luo est saisi d’un émoi tout adolescent en la voyant, elle, cette jeune fille intelligente mais sans éducation.
Peu après, ils découvrent un trésor d’une valeur inestimable dans la Chine communiste : des livres. La quasi-totalité des livres a en effet été placée sous interdiction par le régime de Mao, en posséder peut valoir des représailles… Trouver un livre, c’est redonner à son esprit des perspectives, le nourrir de rêves et de belles images qui alimentent l’imagination…
Alors Balzac et la Petite Tailleuse chinoise prend souvent des allures d’ode à la lecture, comme lorsque le narrateur décrit ce qu’il ressent après la lecture du « livre rêvé » : « Une fois que vous l’aviez fini », explique-t-il, « ni votre sacrée vie ni votre sacré monde n’étaient plus les mêmes qu’avant ». Le livre est un rempart à la monotonie, un vecteur de conversations, une source d’épanouissement et de liberté.
En initiant la Petite Tailleuse à la littérature, les deux héros du roman réalisent finalement une forme de « rééducation inversée », ce qui est probablement un bel acte révolutionnaire aux yeux du régime communiste !
Ils enseignent à cette fille de la montagne, qui a reçu une éducation rudimentaire, le plaisir de rêver à travers un roman… Dans le même temps, ils découvrent, de leur côté, la rudesse abrutissante des tâches que réalisent les paysans. Elle accroît sans nul doute chez eux le besoin d’une nourriture plus spirituelle et intellectuelle.
C’est un livre qui respire l’optimisme, en dépit des conditions de vie difficiles imposées aux héros. Le narrateur et son ami Luo sont plein de vie, d’envies, d’une candeur toute adolescente qui ne les empêche pas d’être astucieux et profonds. A lire absolument !
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