Batman Forever, Joel Schumacher : entre virilité et traumatismes


Batman Forever – Résumé

Batman doit faire face à une nouvelle menace : l’ancien procureur Harvey Dent a totalement perdu la tête depuis que la moitié de son visage a été défigurée à l’acide. Sous le nom de « Double-Face », il fait régner la violence sur Gotham City.

Les nuits de Gotham sont toujours aussi noires… et les journées apportent aussi leur lot de complexité : ainsi, l’un des employés de Wayne Enterprises, Edward Nygma, a imaginé une invention aussi brillante que dangereuse, qui pourrait ouvrir la voie à une manipulation mentale de grande ampleur.

Quand Nygma essuie un rejet de la part de Bruce Wayne, à qui il voue une admiration sans bornes, il décide de démissionner pour exploiter lui-même son invention, adoptant pour ce faire une nouvelle identité, celle de l’Homme Mystère


RéalisateurJoel Schumacher.
Durée du film minutes.
Note – ★★☆☆☆

Batman Forever, Joel Schumacher

Batman Forever – Critique

Pour Batman Forever, troisième film de la « série » de Batman initiée en 1989, Tim Burton laisse la place à Joel Schumacher à la réalisation tandis qu’il se replie dans le rôle de producteur. Pourtant, Burton avait commencé à travailler sur un troisième opus (« Batman Continues ») dans lequel Michael Keaton aurait repris le rôle de Batman.

Pourquoi ce changement ? C’est Warner qui aurait décidé de faire passer Burton au second plan, jugeant le précédent film trop noir, pas assez « grand public » sans doute… Alors on change. De réalisation, mais aussi d’acteur pour le rôle de Batman. C’est Val Kilmer, 36 ans à l’époque, qui se glisse sous la cape du justicier.

Val Kilmer dans le rôle de Batman

De manière générale, je trouve que Batman Forever livre une vision beaucoup plus grossière du personnage, qui insiste davantage sur sa virilité que sur sa dualité. Michael Keaton avait une interprétation que je trouvais très fine, assez « intellectuelle »… tandis que l’association Val Kilmer/Joel Schumacher met à mon sens davantage l’accent sur le physique et les attributs censés être « masculins ».

Ainsi, la Batmobile se voit accorder une place énorme, monopolisant les scènes inaugurales du film. Robin se fait d’ailleurs le petit plaisir d’emprunter la voiture… au grand désespoir du majordome Alfred (Michael Gough) qui tente de faire comprendre à Bruce Wayne que non, le gamin n’a pas emprunté la Jaguar mais « l’AUTRE voiture ».

On a évidemment droit à la bonne-poursuite en voiture avec coups de feu et à une petite visite du garage de Bruce Wayne, un lieu qui rendrait jaloux bien des collectionneurs.

Course-poursuite à Gotham City

Le costume souligne, comme toujours, la musculature impressionnante du personnage… mais ici, Joel Schumacher insiste dans la réalisation sur le corps de Batman, gratifiant le spectateur de gros plans sur ses pectoraux et ses fesses. Le costume, comme celui de Robin, a d’ailleurs beaucoup fait parler la presse de l’époque parce qu’il représentait des tétons, un choix jugé influencé par l’homosexualité de Schumacher (à chacun de se faire un avis).

Bien sûr, Batman EST une figure virile. Bruce Wayne est censé être un playboy, qui multiplie les conquêtes. Il est riche, il peut donc s’offrir des voitures de luxe et les derniers gadgets à la mode. Le succès de Batman repose en partie sur ses aptitudes physiques hors norme et sa capacité à se doter du meilleur de la technologie.

Mais ce que j’apprécie plus encore chez Batman, c’est la finesse qu’il possède. Et ici, je trouve qu’elle est mal exploitée. Il a un côté froid tout en se laissant totalement gouverner par ses hormones. Ainsi, quand il répond un soir au Bat-Signal, il découvre que celui-ci n’a pas été actionné par le commissaire Gordon mais par une brillante jeune femme spécialisée dans le profiling psychologique, le Dr Chase Meridian (Nicole Kidman).

Il lui rappelle sèchement que le Bat-Signal n’est pas un biper… et lorsqu’elle lui avoue toute sa fascination pour la psychologie de Batman, il semble en quelques secondes faiblir, prêt à se laisser embrasser à pleine bouche.

Le personnage devient cependant plus intéressant à la moitié du film… grâce à l’entrée en scène de Robin qui l’oblige à analyser un peu plus son rôle à Gotham City.

Dans Batman Forever, le justicier doit en effet faire face à Harvey Dent (Tommy Lee Jones). L’ancien procureur a été aspergé d’acide par un magnat du crime, Sal Maroni… et en a gardé la moitié du visage défigurée, ce qui lui vaut le surnom de Double-Face. Sa vie entière est désormais gouvernée par cette scission entre deux êtres qui, en lui, coexistent.

Harvey Dent, devenu Double-Face

Double-Face se trouve un allié inattendu en la personne de l’Homme-Mystère (Jim Carrey). Un scientifique brillant… que son génie a placé sur une pente glissante. Salarié de l’entreprise de Bruce Wayne, l’homme – Edward Nygma – y a découvert grâce à ses travaux une technologie permettant d’utiliser les ondes cérébrales.

Idolâtrant Bruce Wayne, il s’attend à recevoir un soutien sans faille de sa part quand il lui présente son invention… mais Wayne reste profondément factuel, lui demandant davantage de chiffres et de réassurance car il pressent que cette invention pourrait être détournée à des fins de manipulation mentale.

Edward Nygma présente son invention à Bruce Wayne

Nygma vit la demande de Bruce Wayne comme un rejet. Il décide de démissionner et de développer son invention de manière indépendante. En faisant installer un boîtier dans tous les foyers de Gotham City, il détourne vers son propre cerveau les ondes cérébrales des habitants : plus les utilisateurs sont nombreux, plus l’intelligence de Nygma grandit.

Ayant pris une nouvelle identité, celle de « l’Homme-Mystère », il décide de s’allier à Double-Face avec deux enjeux : se venger de Bruce Wayne… et aider Harvey Dent à découvrir l’identité de son ennemi juré, Batman. Sans savoir qu’il s’agit du même homme.

Double Face (Two-Face) et l'Homme-Mystère (The Riddler)

C’est dans ce cadre que les deux malfrats attaquent un cirque en y posant une bombe. Wayne, dans la salle aux côtés de Chase Meridian, est impuissant à empêcher la mort de tous les acrobates qui venaient d’achever leur numéro sur scène. Tous, sauf un, le plus jeune, Dick Grayson (Chris O’Donnell).

Il est parvenu à neutraliser la bombe mais a perdu toute sa famille au passage. Rongé par la culpabilité, Bruce Wayne décide de le recueillir… et Alfred ne peut s’empêcher de tracer un parallèle avec le jeune orphelin qu’il a dû, de nombreuses années plus tôt, prendre sous son aile avec le meurtre de ses parents : Wayne lui-même.

Alfred et Dick Grayson

Grayson n’aspire qu’à une chose : se venger de Double-Face, qui a tué sa famille. C’est ce qui va donner à Batman davantage de profondeur. Grayson, qui découvre rapidement qui est Batman, lui demande de l’aider à anéantir Double-Face. Astucieux, car à première vue ce serait pour Bruce Wayne un moyen de se « racheter » de n’avoir pas pu sauver la famille de Grayson. La demande du jeune homme joue donc pleinement sur le lien psychologique qui les unit désormais.

C’est là que Bruce Wayne/Batman devient à mon sens plus intéressant. Au lieu d’accepter de but en blanc de s’unir autour d’un ennemi commun, de jouer les justiciers sans autre forme de procès, il développe une réponse plus complexe et plus juste :

Batman : Alors comme ça, tu serais prêt à donner la mort ?
Grayson : Dès lors qu’il s’agit de Double-Face, oui.
Batman : Alors, ça va se passer comme ceci : tu le tues… mais ta douleur ne meurt pas avec Harvey. Elle grandit. Donc tu fonces dans la nuit, en quête d’un autre visage, puis un autre, et encore un autre… jusqu’à ce matin terrible où tu te réveilles et prends conscience que la revanche est devenue ta raison d’être. Et tu ne sauras pas pourquoi.
Grayson : Tu ne peux pas comprendre. Ta famille n’a pas été assassinée par un cinglé.
Batman : Si, justement.

Ce dialogue est un coup de maître. Il rend Bruce Wayne plus intéressant, car on le voit essayer de « sauver » quelqu’un de la dualité dans laquelle il s’est lui-même emprisonné. On le voit faire un parallèle avec sa vie, devoir se confronter à ses propres démons et souvenirs réprimés qui remontent à la surface. Chase Meridian, tour à tour attirée par Batman et Bruce Wayne, séparément, ensemble, contribue à cette construction psychologique du personnage.

Bruce Wayne et Chase Meridian

Le dialogue cimente aussi un rapport plus solide entre Batman et Robin. Il rappelle que l’on ne peut pas toujours imposer aux autres ses propres expériences de vie. Ce n’est pas parce que Bruce Wayne regrette parfois la voie qu’il a choisie, qui l’empêche d’avoir une relation amoureuse stable et une vie ordinaire, qu’il peut pousser les autres à éviter ce même choix.

Grayson devient ainsi acteur de ses décisions… et quand il décide d’adopter l’identité de Robin et de se joindre à Batman, il le fait en ayant reçu les conseils du meilleur des mentors.

Batman Forever - Batman et Robin

Le film apporte aussi des éléments nouveaux : la vie de Bruce Wayne pour la première fois très menacée ; un désamour profond, pour la première fois, pour son rôle de Batman…

Si cette dynamique est intéressante, le film me laisse malgré tout un parfum d’insatisfaction. J’ai trouvé beaucoup de personnages surjoués : Nygma dans sa folie, Double-Face dans sa violence aveugle, Robin dans son immaturité… et même Chase Meridian dans ses obsessions.

Esthétiquement, c’est beau. C’est même divertissant. On explore un peu plus l’environnement de Gotham, par exemple à travers la découverte de l’Asile d’Arkham, l’hôpital psychiatrique local. Ce fut, quand j’étais petite, mon Batman préféré. Pourtant, à l’âge adulte, je lui trouve un côté trop « simpliste », qui n’apporte pas grand-chose à ma vision du personnage ou de son univers.


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