Big Eyes – Résumé
Dans les années 50, en Californie, Margaret – une jeune peintre – vient de quitter son mari, emmenant avec elle sa fille Jane. Elle ne peint que des toiles représentant des enfants aux yeux immenses. Margaret les cède pour quelques dollars seulement, se contentant du seul plaisir de faire plaisir à ses acheteurs. Un jour, elle est abordée par un autre peintre, Walter Keane, pour qui elle développe rapidement des sentiments amoureux.
Walter semble être pour elle une opportunité inespérée de laisser derrière elle son statut de femme divorcée, si lourd à porter à l’époque… Il mène une vie confortable et lorsqu’il épouse Margaret, il propose de gérer la vente de ses tableaux. Mais bien vite, Margaret s’aperçoit que Walter s’approprie son travail, le faisant passer pour sien. Est-ce juste une stratégie pour mieux vendre à une époque où le travail des femmes n’est pas aussi accepté que celui des hommes… ou est-ce plus profond ?
Réalisateur – Tim Burton.
Durée du film – minutes.
Note – ★★★★☆
Big Eyes – Critique
Le film se joue dans le décor aseptisé des années 50 californiennes. Palmiers, soleil, couleurs vives, l’étalonnage fait la part belle à la saturation et à la luminosité. Au milieu de ce paysage idyllique, Margaret pousse comme une petite fleur innocente : blonde et élégante comme Marilyn Monroe, elle a cette timidité et cette humilité naturelles qui la rendent attachante. Elle vient de quitter son mari et refait sa vie à San Francisco aux côtés de sa fille Jane.
Dans la société de l’époque, le statut de la femme est encore archaïque. On les prend peu au sérieux, il faut mieux avoir l’aval de son mari pour travailler et en tant que divorcée, Margaret se heurte à bien des obstacles. Son rayon de soleil personnel, c’est la peinture. Elle crée des toiles montrant toutes des enfants aux yeux immenses et expressifs. Un jour, dans une exposition d’art en plein air, elle fait la connaissance de son voisin de stand, un homme au bagout indiscutable, Walter Keane. Keane est tout ce que Margaret n’est pas : là où elle cède volontiers ses tableaux pour 1$ par désir de faire plaisir, Keane mise tout sur le marketing, alpaguant la clientèle. Il vend pour sa part des peintures représentant les rues de Paris où il a étudié, étant jeune.
Ils sont complémentaires, c’est indéniable : elle a le talent, il a le sens du commerce. Leur relation se transforme vite en mariage puis en arrangement : Keane s’efforcera de vendre les toiles de sa femme – en même temps que les siennes. Très vite, il prétend être l’auteur de ces enfants aux grands yeux. Alors on se questionne sur l’emprise et le renoncement : au nom du marketing, une artiste peut-elle nier la paternité d’une œuvre qui puise ses racines dans une expérience personnelle ? Walter est-il animé par l’envie de mettre en valeur le travail de sa femme ou nourrit-il une aspiration plus profonde au succès… et jusqu’où peut-il aller pour elle ?
Tim Burton porte sur le milieu de l’art une vision quelque peu cynique : il nous montre le responsable d’une galerie en vogue décidant d’un ton péremptoire et sans appel ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas. Il nous montre la presse qui fait et défait les réputations dans ce qui est autant une question de talent qu’une question de relations publiques. Il nous montre des arrivistes ayant soif de reconnaissance et des « grands » pleins d’humilité. Il nous rappelle que le succès et le bonheur n’ont rien à voir.
Car Big Eyes est aussi une histoire de manipulation. Les rôles de « fort » et de « faible » s’inversent sans cesse, transformant le mariage entre Margaret et Walter en une relation déroutante dont elle ne parvient pas à sortir. Tous ceux qui ont vécu ce type de relation malsaine se reconnaîtront sans peine dans l’intrigue. Elle montre comment, de petits sacrifices en petits sacrifices, sans même s’en rendre compte, on en vient à sacrifier ce qui compte le plus au monde pour soi.
Amy Adams (Margaret) et Christoph Waltz (Walter) sont à la hauteur de leurs rôles et les personnages secondaires du film ne déméritent pas, qu’il s’agisse des journalistes, du patron du bar qui voit Keane vendre les premiers tableaux (joué par Jon Polito), de l’amie so Hollywood de Margaret jouée par Krysten Ritter. La bande son du film, signée Danny Elfman, épouse à la perfection les émotions de l’intrigue.
C’est du Tim Burton qui ne ressemble pas totalement à du Tim Burton… du moins aux films auxquels il nous avait habitués cette dernière décennie. Bien sûr, on retrouve son goût pour les intrigues qui viennent casser un monde aux allures un peu trop parfaites, fait de pelouses impeccables et de ciels trop bleus pour être honnêtes. Mais il s’est ici inspiré d’une histoire vraie. Elle a été quelque peu édulcorée pour les besoins du film mais Margaret existe et a réellement vécu ces événements. Ils ont été racontés – avec moins de pincettes – dans un livre sorti à l’été 2014, Citizen Keane : The Big Lies Behind the Big Eyes.
Ma seule déception, ici, survient lorsque le film tourne à la farce le temps d’une séquence. Au lieu de conserver l’émotion savamment distillée tout au long de l’histoire, on la fait subitement voler en éclats dans une mise en scène grotesque et difficile à croire.
Un bémol qui n’enlève rien au plaisir que j’ai eu à regarder ce film !
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