Boy Erased, Joel Edgerton : l’homme dont on a voulu guérir l’homosexualité


Boy Erased – Résumé

Jared Eamons, fils de pasteur, se retrouve contraint à suivre une thérapie de conversion destinée à le guérir de son homosexualité. Son père a eu vent d’aventures homosexuelles et estime qu’il s’agit d’une offense à l’église, qui peut être réparée par des soins appropriés.

Il confie alors son fils à Victor Sykes, qui anime une thérapie de réorientation sexuelle prenant appui sur la religion. L’objectif ? Faire comprendre aux participants que l’homosexualité est un péché. Quel qu’en soit le prix. Jared, initialement volontaire pour participer afin de préserver sa relation avec ses parents, commence peu à peu à se sentir troublé par les méthodes employées…


RéalisateurJoel Edgerton.
Durée du film minutes.
Note – ★★★★☆

Indisponible dans le commerce pour l’instant
Boy Erased, Joel Edgerton

Boy Erased – Critique

Boy Erased de Joel Edgerton aborde une réalité d’une violence inouïe : celle des thérapies de conversion, que l’on appelle aussi « thérapies de réorientation sexuelle », vouées à guérir l’homosexualité.

Le réalisateur s’est inspiré d’une histoire vraie, celle que relate Garrard Conley dans ses mémoires. Dans Boy Erased, le héros est un jeune homme réservé, Jared (Lucas Hedges), qui a grandi dans une famille aimante auprès d’un père pasteur et d’une mère bienveillante mais quelque peu effacée (Nancy, jouée par Nicole Kidman).

Un jour, le père de Jared, Marshall (interprété par Russell Crowe), entend dire que son fils aurait montré des tendances homosexuelles. À ses yeux, cela ne pose aucun dilemme moral : l’homosexualité est un péché, il estime que sa religion la condamne et la considère comme une manifestation de Satan. Mais Marshall aime son fils.

Parce qu’il l’aime, et parce qu’il estime faire face à un « problème », il estime aussi devoir proposer une solution et celle qu’il a trouvée est d’envoyer Jared suivre une thérapie onéreuse qui peut apparemment guérir l’homosexualité.

À vrai dire, le jeune homme y entre sans être vraiment hostile à l’idée, affichant même un certain enthousiasme. La thérapie de conversion semble en effet lui offrir une porte de sortie appréciable : préserver la qualité de sa relation avec ses parents, mettre fin aux dilemmes qui l’habitent et l’ont poussé à rompre avec sa petite amie par le passé…

L’homosexualité, lui annonce-t-on, est un choix, au même titre que pratiquer une activité sportive. Et comme tout choix, on peut y renoncer moyennant un peu de force mentale et surtout, la volonté de « se redonner à Dieu ». Très croyant, Jared accueille au départ avec attention cette idée que l’homosexualité vient combler un vide dans sa vie, vide où il faut replacer Dieu.

Mais peu à peu, les méthodes employées lors de la thérapie de conversion vont commencer à faire naître chez lui un sentiment de malaise.

C’est un étrange mélange entre une approche psychologique où on lui demande d’explorer son arbre généalogique pour identifier des tares qui pourraient expliquer sa propre homosexualité, une approche comportementale où on essaie de lui apprendre à se conduire de manière virile (ce qui inclut des cours de posture, du sport, etc)… sur fond de religion à la limite du sectaire, avec une scène qui s’apparente à un exorcisme.

Jared, logé avec sa mère, a l’interdiction formelle de lui confier ce qu’il vit dans la journée… et au Centre, le moindre de ses gestes et de ses conversations est scruté et susceptible de prolonger la thérapie si l’on estime qu’il n’est pas guéri.

C’est un film d’une dureté sans nom, qui l’est encore plus quand on apprend que 36 États américains autorisent encore ce genre de thérapie de réorientation sexuelle sur des mineurs et que plus de 700 000 Américains en ont fait les frais.

Il rappelle que dans de nombreuses familles, l’annonce ou la découverte fortuite de l’homosexualité d’un enfant se termine par des drames. Et que l’annonce elle-même constitue souvent un drame, tant elle résulte de mois voire d’années d’angoisse avant d’oser exprimer au grand jour ce que l’on ressent au plus profond de soi.

Même sans être homosexuelle, j’ai en tête ces histoires vécues par des amis au moment de cette annonce… comme ce jeune homme de mon lycée qui avait préféré fuguer à l’étranger, disparaissant volontairement plutôt que d’affronter la déception qu’il sentait venir dans le regard de sa famille.

Un film comme Boy Erased, au même titre que d’autres événements d’actualité, rappelle qu’une certaine frange de la société considère encore l’homosexualité comme un choix… et plus exactement un mauvais choix… et non un état de fait. La lutte, la thérapie en laquelle certains croient ressemble finalement à un vaste refoulement organisé. Comme s’il fallait mieux tout enfouir pour ne pas gêner la société bien-pensante.

Dans le film, l’énergie dont fait preuve Victor Sykes (joué par Joel Edgerton lui-même) à dénoncer l’homosexualité lors de cette thérapie ne cache-t-elle pas quelque chose ?

Boy Erased, Joel Edgerton

À vouloir guérir l’homosexualité, on caricature l’homme. Dans Boy Erased, l’homme viril adopte la position du triangle, les jambes écartées, les mains fermement posées sur les hanches, le regard fier, la poignée de main solide. On gomme les individualités au profit d’un stéréotype périmé. On mélange sexualité et identité de genre.

Joel Edgerton plonge avec sensibilité dans les épisodes et les rencontres qui ont forgé la (jeune) sexualité de Jared Eamons. Henry (Joe Alwyn), à l’université, le premier homme à l’avoir abordé, un poids immense dans l’histoire de Jared. Xavier, rencontré à un vernissage. Et ces visages, croisés furtivement lors de la thérapie, comme Cameron (Britton Sear)…

L’enjeu du film n’est pas de savoir si la thérapie va « marcher ». Comme on le conseille très tôt à Jared, « Fake it until you make it » : autrement dit, « fais semblant jusqu’à ce que ça marche ». Tout n’est que faux-semblants, il faut juste faire croire que ça fonctionne pour sortir de ce programme de thérapie insensé.

On ne soigne pas l’homosexualité. Alors la vraie question porte davantage sur la manière de survivre à la manipulation infligée par la thérapie, de survivre au déchirement entre l’envie de répondre aux attentes de ses parents et l’urgence d’être soi

Lucas Hedges livre une performance pleine de subtilité dans le rôle de Jared. Russell Crowe signe aussi une interprétation tout en nuances : il n’est pas ce père qui met son fils à la porte parce qu’il ne tolère pas sa sexualité, il est ce père qui cherche une solution à la sexualité qu’il ne tolère pas… Quant à Nicole Kidman, elle offre un personnage intéressant, qui se dévoile pleinement au fil de l’intrigue et séduit par son intelligence et sa grande élégance dans l’adversité.

J’ai eu la chance de voir ce film avant sa sortie française et je vous conseille vivement de le découvrir !


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