Cueilleuse de thé, Jeanne-Marie Sauvage-Avit


Cueilleuse de thé – Résumé

A presque 20 ans, Shemlaheila est cueilleuse de thé au sein d’une plantation. Elle est promise à une vie de labeur, sous la responsabilité de kanganis connus pour être sans pitié avec les ouvrières. Une vie où être jolie est un handicap, qui vous expose à être violée sans pouvoir rien faire. Une vie où vous allez, quoi qu’il arrive, être mariée parce qu’il faut l’être, à un homme que vous n’aimerez probablement pas.

Alors, à la mort de sa mère, Shemla veut concrétiser le projet de partir. Quitter les champs pour l’Angleterre. Mais comment lever les obstacles, à commencer par le coût d’un voyage qui représente des années de salaire ? Sans se décourager, elle se lance dans la préparation du projet d’une vie.


Auteur.
Taille du livre309 pages.
Note – ★★★★☆

Cueilleuse de thé, Jeanne-Marie Sauvage-Avit

Cueilleuse de thé, la quête de vies meilleures

Le roman de Jeanne-Marie Sauvage-Avit est une belle histoire de libération féminine autant qu’une histoire d’amour. Bien que n’étant pas adepte de livres romantiques, je lui ai trouvé un charme indéniable.

La héroïne, Shemlaheila, nous est vite attachante. Elle est née dans un endroit où les femmes occupent peu de place, prenant surtout le rôle qu’on veut bien leur donner. Jolies, elles sont victimes des pulsions d’hommes malades qui les violent. Violées, elles deviennent impossibles à marier. Impossibles à marier, elles font la honte de leur famille dans un monde où toute jeune fille est rapidement promise à un homme.

Shemla a eu une chance rare : être envoyée à l’école par sa mère, où elle a pu apprendre à lire et à écrire. Une éducation qui a éveillé en elle un désir d’ailleurs. Elle n’aspire pas à des rêves de puissance : simplement, elle aimerait quitter les champs pour être vendeuse dans la boutique de la plantation, celle où les touristes en visite guidée viennent faire leurs emplettes. Mais pour ça, il faudrait étudier le commerce, la comptabilité.

A la mort de sa mère, libérée de certaines responsabilités familiales, Shemlaheila conçoit alors le projet de partir en Angleterre, un pays qu’elle a découvert à travers le minibus touristique qui, régulièrement, déverse près des champs un flot de visiteurs curieux.

Le roman de Jeanne-Marie Sauvage-Avit est le récit de ce voyage. Celui d’une femme qui part seule, face à elle-même, se confrontant au déracinement, à l’éloignement, aux gens qui lui veulent du bien et à ceux qui l’exploitent.

C’est aussi le récit d’un choc culturel. De la vie de Ceylan (l’actuel Sri Lanka) – où elle a grandi – à l’Angleterre, ce sont deux mondes qui se heurtent, où la femme n’a pas la même place, les mêmes libertés, les mêmes perspectives d’avenir.

Jeanne-Marie Sauvage-Avit nous raconte Ceylan à travers quelques figures marquantes : Mohanty, la petite que Shemla a prise sous son aile ; le lokaa, chef d’exploitation de la plantation, qui entretenait une relation avec la mère de Shemla ; Datu-Guemi, un kangani (sorte de contremaître surveillant les ouvrières) que l’on déteste en quelques lignes tant il est violent et pervers, terrorisant sa propre femme Pokonaruya…

Elle nous raconte aussi l’Angleterre, un pays dont on comprend vite qu’il enferme aussi certains êtres dans leur rôle : des mariages arrangés parce qu’ils arrangent tout le monde, des formes d’esclavage moderne qui taisent leur nom. Le roman n’en dépeint pas une vision toute rose et romantique… mais au contraire, met en relief des similitudes avec le Sri Lanka.

Ici comme là-bas, il y a des gens qui vous aident et des gens qui vous exploitent jusqu’à susciter l’écœurement. Pas de la même manière, pas pour les mêmes raisons… mais cela fait réfléchir.

Bien sûr, il y a dans ce roman une part de « conte de fées » : dans la vraie vie, la petite sri-lankaise aurait-elle réussi si « facilement » à gagner l’Angleterre ? Rien n’est moins sûr. Néanmoins, Jeanne-Marie Sauvage-Avit peuple son récit d’aspérités et de complexité, qui évitent l’écueil du roman à l’eau de rose fade et ennuyeux.

On éprouve pour l’héroïne une certaine affection et, avec elle, l’envie de savoir ce que le destin lui réserve. 309 pages qui passent vite et font bonne impression !


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