Dans son silence, Alex Michaelides : un mutisme lourd de sens

L’intrigue fait la part belle à cette dimension psychologique… en posant le contexte très particulier d’un meurtre conjugal inattendu, qui a surpris tout le monde.

Dans une banlieue chic de Londres, six ans plus tôt, une dame prénommée Barbie Hellmann croit entendre des coups de feu chez ses voisins, un jeune couple formé par la peintre Alicia Berenson, 33 ans, et son mari Gabriel, photographe de mode. A son arrivée, la police découvre un véritable carnage : Alicia a visiblement tué son époux avec une rage terrible, lui détruisant le visage au point de le rendre méconnaissable.

Elle ne parlera pas. Ne racontera pas ce qui s’est passé, ce qui a motivé le drame, ne révélera aucun secret sur son couple que beaucoup croyaient pourtant heureux. Elle réalisera une toile, juste une, un autoportrait baptisé « L’Alceste », du nom de la tragédie grecque d’Euripide.

Depuis, Alicia a été internée dans un établissement psychiatrique, muette et résistante à toute tentative de thérapie.

C’est dans ce contexte que le psychothérapeute Théo Faber, ayant eu vent de cette affaire très médiatisée, décide de rejoindre l’hôpital psychiatrique. Une opportunité de carrière mais aussi un défi personnel, celui de réussir là où tous les autres ont échoué : faire reparler Alicia Berenson.

Il comprend rapidement que le contexte n’est pas des plus favorables : la jeune femme est assommée par les médicaments, l’hôpital est menacé de fermeture. Ils auraient tous besoin d’un succès thérapeutique… mais la direction craint profondément tout débordement, tout scandale ou tout échec qui viendrait accélérer la fin de l’établissement. De fait, la motivation de Théo Faber à initier une thérapie avec Alicia est accueillie avec peu d’enthousiasme.

Au fil des pages, on découvre comment le psychothérapeute s’efforce d’établir un lien avec sa patiente… mais on plonge aussi dans l’histoire d’Alicia. Comme souvent, une vie en apparence ordinaire dissimulait quelques secrets !

Le roman a ceci de riche qu’il vous immerge dans la complexité d’une thérapie : ce qu’elle exige du patient… mais aussi du thérapeute, qui met nécessairement un peu de lui dans l’échange, au risque de s’impliquer un peu trop, au risque d’avoir du mal à gérer son contre-transfert sans aide extérieure.

Il montre que nul n’est infaillible, qu’il s’agisse des patients ou des soignants. Tous ont leurs réticences, leurs doutes, leurs fragilités… et lorsqu’ils se rencontrent, cela relève parfois davantage de la collision que du parcours de santé !

On étudie des dynamiques de couple, des dynamiques familiales, avec la juste dose d’informations pour préserver jusqu’au bout une part de suspense. Qui pourrait expliquer le meurtre ? Qui saurait lever le voile sur le silence d’Alicia ? Qui aurait peut-être pu parler mais ne l’a pas fait ?

Alex Michaelides livre ici un premier roman qui ne manque pas de piment !