L'Exécution - Résumé
Un grand roman classique, une histoire de haine, de sang, de mort et d'amour. Oui, d'amour.
Unité de temps, de lieu, trois personnages : l'auteur, son vieux maître, la victime - oui, la victime - et puis la foule, avec quelques silhouettes bien plantées au premier rang. Un récit qui va droit son chemin vers la réponse à l'unique question : mourra-t-il ?
Ce qui importe, c'est de savoir ce qu'est la justice, comment elle fonctionne, à quoi sert un avocat, pourquoi la peine de mort.
C'est tout cela qui nous bouleverse dans ce beau livre, dur et sensible à la fois. Ne laissez plus passer, en tout cas pas ainsi, ce qu'on nomme par dérision peut-être la justice des hommes.
Auteur - Robert Badinter.
Taille du livre - 219 pages.
Note - ★★★★★
L'Exécution - Critique
Le premier a connu une jeunesse perturbée dans une famille modeste, avec un père alcoolique. Après avoir multiplié les délits, il commet un meurtre à l'âge de 34 ans en se faisant passer pour un chauffeur de taxi : il enlève une femme dans le but de lui voler son sac mais la situation dégénère et Buffet lui tire une balle puis maquille l'assassinat en crime sadique. En moins de trois semaines, la police remonte jusqu'à lui et il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité puis emprisonné à la centrale de Clairvaux.
Le second a été victime d'un grave accident de moto qui l'a conduit à être réformé de l'armée. Souffrant de problèmes d'alcoolisme et en proie à un certain désœuvrement, il commet un premier vol sous l'emprise de l'alcool. Après plusieurs délits qui lui valent quelques mois de prison, il vole un taxi, blessant grièvement le chauffeur, puis braque un bistrot. Arrêté par la police, il est condamné à 20 ans de réclusion et envoyé lui aussi à la centrale de Clairvaux, où il devient le compagnon de cellule de Claude Buffet.
En 1971, Buffet convainc Bontems de tenter une évasion de la prison. Prétextant des douleurs abdominales, ils se font admettre à l'infirmerie et prennent en otage trois personnes, dont deux n'en réchapperont pas, égorgées avant l'intervention de la police. Les deux hommes sont rejugés aux Assises, Bontems étant défendu par Robert Badinter et Philippe Lemaire, et condamnés à la peine de mort.
L'Exécution raconte ce procès de l'intérieur, à travers le regard de l'un de ses premiers témoins. Un récit qui montre toute la complexité du rôle de l'avocat, qui doit à la fois respecter la douleur des familles de victimes tout en développant assez d'empathie et de compréhension pour trouver, dans un crime de sang, les fameuses "circonstances atténuantes". Un récit qui montre aussi la part d'humanité que conserve tout criminel et qu'il appartient à l'avocat d'apprivoiser.
L'Exécution, c'est aussi cette description de la guillotine qui fait frissonner. Pour les jeunes générations n'ayant pas connu l'ère de la peine de mort, la guillotine est cet instrument diabolique relégué dans les musées et les pages des livres d'histoire, appartenant déjà au passé, à une ère barbare et lointaine. Pourtant, la dernière exécution a eu lieu en 1977. Nombreux sont ceux, autour de nous, qui ont connu la période où le spectre de "La Veuve" planait sur les grands criminels. Cette proximité accroît d'autant la portée du livre de Robert Badinter et les questionnements qu'il fait naître : doit-on punir la mort par la mort ? La barbarie par la barbarie ?
La guillotine a souvent été présentée comme un moyen d'exécution efficace et rapide, comme s'il s'agissait là d'une clémence accordée au condamné. La description qu'en fait Badinter révèle une autre réalité qui donne la chair de poule. Entre le réveil des condamnés à l'aurore et leur mise à mort, il s'est écoulé presque 45 minutes. A quoi pense un homme qui sait qu'il lui reste 45 minutes à vivre ? La justice des hommes espérait-elle faire naître le repentir en instillant chez le condamné la même peur que celle ressentie par sa victime ? Ces questions sont infiniment complexes et touchent si profondément à l'affectif de chacun qu'il est difficile d'en extraire une vision unique.
"L'avocat d'un mort, c'est un homme qui se souvient", écrit Badinter. Le souvenir est, en la matière, indispensable. Pour réfléchir, encore et toujours, à ce qu'est la justice. A ce qu'est une punition, un avocat, un criminel, une victime. Parce que la peine de mort existe encore, ailleurs. Parce que le crime existe encore, ici.
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Ah ! Badinter… J’ai lu L’Exécution et Contre la peine de mort il y a quelques années. Et je ne me lasse jamais de son discours à l’Assemblée, le jour du vote de l’abolition : http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2014/04/08/25001-20140408ARTFIG00067-le-discours-de-badinter-sur-la-peine-de-mort.php
On pourrait croire que la peine de mort est de l’histoire ancienne chez nous. Malheureusement elle est encore d’actualité, notamment avec l’affaire Atlaoui (lire les commentaires sur les sites d’information est affligeant) et bien sûr avec la montée d’un certain parti souhaitant la réouverture du débat. Comme s’il devait y avoir débat. Le simple fait d’en envisager un est une insulte aux valeurs de notre pays….
Bref, reviens, Robert !
Merci pour le lien, le débat ressurgit régulièrement et au-delà de l’affaire Atlaoui, on le voit souvent émerger dans les commentaires des articles quand un crime est commis contre un enfant. La réaction purement émotionnelle, à chaud, de certains, est souvent de dire « Il faut rétablir la peine de mort pour les pédophiles/assassins/etc »…
Eh oui, ce qui est bien dommage car c’est là la preuve que certains confondent encore vengeance et justice. Je pense consacrer bientôt un article à ce sujet sur mon blog, mais bon… j’ai peur que ça s’avère être une expérience très frustrante : les partisans de la peine de mort, dans leur immense majorité, ne sont pas sensibles à l’argumentation. Pourtant, le discours de Badinter montre bien que la peine capitale ne peut être justifiée ni par une démarche rationnelle, ni par par une démarche morale.
Mais il y a des raison d’y croire. Un article du monde paru mercredi dernier traite de l’abolition qui a été votée au Nebraska, un État pourtant Républicain. Et j’ai été surpris d’y lire que beaucoup d’élus n’ont pas toujours été abolitionnistes, certains ont été — selon leurs propres mots — convertis.
Alors oui, peut-être peut-on faire entendre raison à ceux qui remettent en cause l’abandon de cette pratique abjecte qui déshonorait notre pays et notre justice.
Je trouve que tu devrais écrire l’article. Même s’il ne conduit pas les partisans de la peine de mort à changer d’avis, il pourrait donner matière à réfléchir à ceux qui sont « en questionnement »…
Je le ferai.
Tiens, justement on voit de nouveau les partisans de la peine capitale s’agiter autour de l’affaire Cottrez… ils sont toute une meute à réclamer sa tête (littéralement) et à s’indigner sous prétexte que 18 ans ce n’est pas assez.
Quand on s’intéresse à l’affaire, quand on réalise combien cette femme a souffert et combien elle est fragile psychologiquement (ce qui n’excuse pas ses actes, bien sûr), on en vient à se demander si ces gens-là ont encore un soupçon d’humanité au cœur :s