Hippocrate aux enfers – Résumé
Ils ont œuvré dans le secret des camps de concentration, au mépris de toute notion d’éthique.
Ils ont mené des expériences, toutes plus horribles les unes que les autres, se servant de prisonniers comme cobayes humains.
Ils ont ainsi voulu faire avancer la science allemande autant qu’ils ont rêvé de gloire et de la reconnaissance suprême d’Hitler.
Ils, ce sont les médecins nazis.
Dans Hippocrate aux Enfers, Michel Cymès se penche sur leur parcours, leurs actes et leurs motivations. Étaient-ils de mauvais médecins ? Des hommes influençables, broyés par la machine d’un régime qui ne tolérait aucune contestation ? Pas si sûr…
Auteur – Michel Cymes.
Taille du livre – 216 pages.
Note – ★★☆☆☆
Hippocrate aux enfers – Critique
Les médecins nazis restent un sujet rarement évoqué dans la littérature « grand public » sur l’Holocauste et c’est donc avec intérêt que je me suis plongée dans le livre de Michel Cymes sur le sujet. Un livre qui m’a laissé un goût de trop peu.
Chapitre après chapitre, Michel Cymes nous dresse le portrait de ces praticiens, nommés dans des camps de concentration non pas pour y sauver des vies mais pour y mener des expérimentations pseudo-scientifiques sur des êtres humains. Des expérimentations qui, souvent, s’achevaient par la mort. Ils justifiaient leurs « travaux » par la nécessité de trouver des solutions aux problèmes qui affectaient l’armée allemande en ces temps de guerre :
- Sigmund Rascher, par exemple, travaille sur les effets de l’altitude (pression, manque d’oxygène, températures glaciales) sur le corps, espérant ainsi limiter les décès de pilotes parfois obligés de s’éjecter de leurs appareils à haute altitude sous le feu de l’ennemi.
- Wilhelm Beiglböck, lui, s’intéresse à ces hommes de l’armée qui, perdus en mer en attendant d’hypothétiques secours, sont contraints de boire de l’eau de mer. Comment la rendre potable et combien de temps l’homme peut-il survivre en buvant de l’eau de mer ?
Les méthodes employées dépassent l’entendement : plonger des hommes dans des bains d’eau glacée jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance, assoiffer des prisonniers au point qu’ils se disputent une serpillière usagée pour en extraire quelques gouttes de liquide sale… Michel Cymes nous parle de monstres comme Aribert Heim, dit « le boucher de Mauthausen », adepte de la dissection de sujets vivants… August Hirt, qui a infecté ses « cobayes » avec de l’ypérite, un gaz corrosif. Viktor Brack, qui stérilisait des Juifs aux rayons X. Carl Clauberg, qui stérilisait des femmes en leur bouchant les trompes par une injection de formol. Et tant d’autres…
A travers ces histoires toutes plus cruelles les unes que les autres, on réalise que ces médecins n’étaient pas, comme on voudrait le croire, de médiocres praticiens influençables. Il y avait au contraire parmi eux bon nombre d’esprits brillants et savants, qui ont activement mis sur pied des expériences. Un constat qui décontenance autant qu’il glace le sang. Beaucoup, après la guerre, ont d’ailleurs pu s’en sortir sans conséquences sérieuses, certains étant même recrutés par les États-Unis, terre d’asile. Cymes nous parle aussi du Dr Josef Mengele – le médecin d’Auschwitz – qui a fui comme bien d’autres nazis en Amérique du Sud pour y mener une vie paisible.
Hippocrate aux enfers m’a déplu car il ne fait que survoler le parcours de chaque médecin tout en citant largement d’autres ouvrages visiblement mieux documentés et plus complets. Il donne l’impression d’être une « réécriture grand public » d’histoires traitées de manière plus pointue ailleurs. Un choix éditorial qui permettra sans doute à certains lecteurs de découvrir le sujet mais qui, pour ma part, m’a laissée insatisfaite.
Par ailleurs, Michel Cymes ne cesse de rappeler, de page en page, à quel point les pratiques de ces médecins sont révoltantes et atroces. Je crois que tout lecteur normalement constitué s’en rend compte de lui-même et au bout d’un moment, ces remarques constantes qui vous répètent que « c’est horrible » deviennent lassantes. On sait que c’est horrible. On sait que ces médecins ont bafoué toutes les règles d’éthique, d’honneur, de respect, d’humanité.
Le rappeler sur chaque page finit par nous détourner des faits eux-mêmes et de leur gravité. Exemple : « Quelles sont les ‘expériences’ qui sont perpétrées – j’ai du mal à écrire ‘menées’ pour un protocole si contraire à la médecine – dans le bloc 46 ? » Que l’expérience soit « menée » ou « perpétrée » ne change en rien son horreur. On mesure bien, aussi, à quel point c’est « contraire à la médecine » de torturer des gens.
Parfois, Michel Cymes se lance même dans des critiques sur le physique des médecins et j’ai eu l’impression de revenir à l’époque de l’école primaire et du « Aaaah tu as un grand nez, ça veut dire que t’es un menteur ». Il écrit par exemple : « Doté d’un visage dont la seule franchise est de porter sur lui son arrivisme et son absence de scrupules » ; ou encore « Il aurait un faux air de Bourvil si son regard lointain et torve n’était pas inquiétant ».
J’aime beaucoup Michel Cymes en tant qu’animateur TV. Il renvoie une image pleine de compassion – une compassion qui ressort elle aussi clairement de ce livre – mais sur ce sujet moins connu que le sont les camps de concentration eux-mêmes, j’espérais une approche plus documentée. Déception, donc.
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Marlène,
je suis assez d’accord avec vous concernant le livre de Michel Cymes.
Il peut être une première approche sur ce sujet pour le lecteur novice. Le livre de Ernest Klee ( La médecine nazi et ses victimes) est beaucoup plus pointu, plus ardu…. presque clinique sur la cruauté nazi
Merci pour le conseil lecture Valérie, je ne connais pas encore le livre dont vous parlez.