L’Adversaire, Emmanuel Carrère : l’affaire Jean-Claude Romand


L’Adversaire – Résumé

C’est l’histoire d’un incroyable mensonge qui finit dans le sang. Pendant dix-huit ans, Jean-Claude Romand a fait croire à tout le monde, même à ses proches, qu’il avait réussi ses examens de médecine, passé l’internat et qu’il était devenu chercheur à l’OMS.

En réalité, il passait toutes ses journées, silencieux et clandestin, sur le bord des autoroutes. En janvier 1993, le faux médecin assassinait sa femme, ses enfants et ses parents.

Emmanuel Carrère reprend ce véritable fait divers, reconstitue l’affaire Romand, la décortique, l’explore. L’auteur a rencontré les amis et l’avocat de Romand, suivi son procès puis il a établi une correspondance avec lui. Il met en scène cette histoire vraie qui touche à la fiction, tient en haleine le lecteur de bout en bout en remplissant les vides de l’existence de ce personnage fascinant.


Auteur.
Taille du livre219 pages.
Note – ★★★★☆

L'Adversaire, Emmanuel Carrère

L’Adversaire – Critique

Le livre L’Adversaire d’Emmanuel Carrère est tiré d’une histoire vraie… mais dans le cas précis, la notion de « vrai » prend un sens tout particulier. En effet, il s’agit sans doute de l’un des mensonges qui ont eu le plus lourd retentissement médiatique de ces 20 dernières années.

Jean-Claude Romand était un étudiant brillant, faisant la fierté de ses parents. Il connaît un début de parcours académique tout à fait louable, obtenant son bac avec un an d’avance et réussissant le concours de fin de première année de médecine. Mais la machine s’enraye lorsqu’il omet de se présenter à l’examen de deuxième année, puis au rattrapage, très affecté par un chagrin d’amour. Un incident qui aurait pu arriver à beaucoup d’entre nous. Nous aurions sans doute ravalé notre fierté, admis notre échec et saisi l’occasion de redoubler pour repartir sur de bonnes bases.

Mais Jean-Claude Romand est incapable de faire face à cet échec. Que signifie-t-il pour lui ? A-t-il eu peur de perdre l’admiration des siens ? Toujours est-il qu’il prétend auprès de ses amis avoir réussi l’examen. C’est le début d’un long mensonge : chaque année, il révise avec les autres ses cours, accumule les connaissances mais sans jamais effectuer aucun stage ni passer aucun examen.

Tout le monde obtient son diplôme et le croit également diplômé, titulaire d’un poste de prestige à l’OMS. En réalité, Jean-Claude Romand passe ses journées à lire et errer dans un désœuvrement total, prisonnier de son mensonge. L’étau se resserre peu à peu autour de lui jusqu’au jour où il sent, il sait que l’imposture de toute une vie va être découverte.

C’est cette histoire que nous raconte Emmanuel Carrère, dans un livre rythmé et captivant. On se laisse entraîner dans le récit de cette double vie terriblement solitaire, en se demandant comment tout va finir par basculer.

Carrère dresse de Romand un portrait complexe, soulignant à la fois son intelligence et son malaise social, son immense isolement et cette soif de reconnaissance si paradoxale : l’homme a cherché durant toute sa vie à se faire passer pour ce qu’il n’était pas (un médecin ayant réussi, côtoyant les grands de ce monde)… mais alors qu’il en avait les capacités intellectuelles, il n’a jamais réussi à se tirer d’affaire.

Si vous connaissez déjà cette histoire, ce qui était mon cas, vous n’apprendrez rien de nouveau. Cependant, ce récit fluide des faits est bien mené, facile d’accès et ne manquera pas de vous tenir en haleine. On mesure toute la portée d’une telle imposture : pour le menteur, la condamnation est presque une libération qui le ramène enfin dans la réalité ; pour les proches ayant survécu, c’est la réalité de toute une vie qui se révèle être une simple illusion.

Le sentiment de trahison est sans nul doute indescriptible et on ne peut qu’avoir beaucoup de compassion pour toutes ces personnes qui ont vu leur confiance totalement bafouée. Emmanuel Carrère, en mêlant son propre point de vue à des informations factuelles se focalisant tour à tour sur Romand et sur ses proches, maîtrise avec brio la profondeur d’une telle affaire.

Jean-Claude Romand est libérable depuis 2015, date à laquelle il a purgé les 22 ans de sa peine de sûreté. Un ex-détenu ayant partagé le même étage de la prison a déclaré que Romand recueillait souvent les confidences des autres prisonniers sur leur santé et travaillait à la numérisation d’archives de l’INA.


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Les commentaires du blog sont actuellement fermés.


6 commentaires sur “L’Adversaire, Emmanuel Carrère : l’affaire Jean-Claude Romand
  • Céleste

    Pourquoi n est il pas allé à ses examens?

    • Marlène

      Bonjour Céleste, je ne me souviens plus ce qu’explique Emmanuel Carrère dans le livre mais de mémoire, Jean-Claude Romand venait de subir une rupture amoureuse et cet épisode l’a déprimé, provoquant son échec à l’examen. Il aurait pu valider son année aux rattrapages mais il ne s’y est pas présenté : lors du procès, il a dit que c’était parce qu’il s’était fracturé le poignet avant. Ça reste sa version des faits, la réalité avancée par certains est qu’il n’a pas admis l’échec à l’examen « principal », au point de ne pas accepter de se présenter aux rattrapages car c’était trop difficile à admettre.

  • Amel67100

    Mais comment il perçoit sont salaire?

    • Marlène

      Bonjour, c’est justement l’aspect financier qui a « précipité » l’issue tragique de l’affaire Jean-Claude Romand. Si je ne me trompe pas, il avait procuration sur les comptes de ses parents et utilisait donc leur argent. Il avait également vendu un studio que ses parents lui avaient payé pendant ses études.

      Par la suite, il a fait croire à son entourage que grâce à son emploi, il pouvait bénéficier de placements financiers très avantageux en Suisse. Il a donc convaincu des gens de sa famille de lui confier de l’argent qu’il « plaçait » en Suisse (et qui servait en réalité à ses propres dépenses). Ses proches lui ont fait entièrement confiance, n’ont jamais réclamé de reçu et étaient persuadés que l’argent dormait sur un compte en générant des intérêts.

      Sauf que ça a fini par ne plus fonctionner : son beau-père a voulu récupérer son argent… et évidemment, Jean-Claude Romand était bien incapable de le rendre puisqu’il l’avait dépensé. Le beau-père est mort d’une chute dans un escalier alors qu’il se trouvait seul dans sa maison avec Jean-Claude Romand : sa culpabilité n’a jamais pu être prouvée mais a toujours été suspectée. Quelques années plus tard, c’est la maîtresse de Jean-Claude Romand qui a elle aussi voulu récupérer son argent. Là encore, il ne pouvait pas le rendre et en plus, cette fois-ci, les comptes de ses parents étaient aussi à découvert et il ne savait donc plus comment sortir de l’impasse.

      C’est peu de temps après qu’il se lance dans son marathon meurtrier en tuant sa famille.

  • PLK de Noétique

    Cette affaire Romand est absolument extraordinaire et une horreur. Une étude psychologique intéressante

    • Allée des Curiosités

      C’est vrai que c’est assez fascinant… et je n’ai pas pu m’empêcher de me dire qu’avec une intelligence pareille, il aurait pu à tout moment « rattraper son mensonge » : au lieu de rester des journées entières dans sa voiture à lire et faire croire qu’il était médecin à l’OMS, il aurait eu le temps de s’inscrire dans une fac de médecine en Suisse justement et de passer pour de vrai son diplôme.

      Mais c’était sans doute une blessure d’amour-propre inconcevable de s’imaginer revenir parmi des étudiants tout en se persuadant qu’on est déjà un « vrai » médecin (et visiblement, il en avait le niveau théorique puisqu’il arrivait à tromper des professionnels)…



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