La femme de nos vies, Didier Van Cauwelaert


La femme de nos vies – Résumé

Le physicien David Rosfeld se rend au chevet d’Ilsa Shaffner, une vieille dame plongée dans le coma, qu’il n’a pas revue depuis 1942. Elle a été citée parmi les bourreaux nazis au procès de Nuremberg et sa petite-fille Marianne affiche un dégoût non dissimulé pour cette aïeule à la réputation encombrante. Pourtant, Rosfeld n’en a pas la même image et convainc Marianne d’écouter son histoire.

Né sous le nom de Jürgen Bolt, il a grandi comme garçon vacher. Après avoir refusé de mener un veau à l’abattoir pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est dénoncé par ses propres parents au régime nazi en échange d’une coquette somme.

C’est ainsi que Bolt est interné à l’hôpital psychiatrique d’Hadamar avec d’autres jeunes. Dans cet espace à l’abri des regards, les nazis vont tester les chambres à gaz pour éliminer ce qu’Hitler appelle les « bouches inutiles ».

Tous les enfants sont voués à mourir, sauf un : David Rosfeld, un jeune surdoué de la physique nucléaire, que le Reich entend exploiter pour découvrir la bombe atomique. Mais David propose à Jürgen Bolt d’échanger leurs identités. Bolt, devenu David Rosfeld, est alors envoyé au château d’Helm, une pseudo-école placée sous le contrôle d’Ilsa Shaffner et réunissant des intelligences supérieures contraintes de travailler pour l’Allemagne…


Auteur.
Taille du livre350 pages.
Note – ★★★☆☆

La femme de nos vies, Didier Van Cauwelaert

La femme de nos vies – Critique

Le roman de Didier Van Cauwelaert aborde des thèmes très forts : la notion de choix et son influence sur le destin, l’échange d’identités et son impact sur la construction de soi, la définition de l’intelligence, l’eugénisme, le poids d’un héritage aussi lourd que d’avoir un aïeul nazi ou encore la manière dont l’amour peut décupler vos forces et vos capacités. Avec une telle profondeur thématique, il va sans dire que le récit nous entraîne facilement jusqu’à la dernière page.

Jürgen, le jeune héros, a été choisi par David Rosfeld pour survivre à la chambre à gaz parce qu’il avait l’intelligence du cœur. Pour l’adolescent juif, cela primait sur les capacités logiques dans une Allemagne qui semblait à l’époque dépouillée de tout sentiment. Dès lors, Jürgen Bolt va devoir faire illusion dans le rôle d’un surdoué… et c’est avec fascination que l’on voit le célèbre effet Pygmalion se mettre en place. Parce qu’il est étiqueté comme « intelligent » et parce qu’il sait que pour vivre, il doit jouer son rôle à la perfection, Jürgen puise en lui-même des ressources inattendues.

L’histoire de Didier Van Cauwelaert se joue dans un cadre historique qui me touche toujours beaucoup et prend appui sur des éléments réels. L’hôpital psychiatrique d’Hadamar a existé et servi de centre d’extermination dans le cadre de la politique Aktion T4 du régime nazi qui visait à éliminer les handicapés et malades mentaux. De même, la personnalité d’Hitler s’appuie sur des données historiques jusque dans certains détails (son attachement aux chiens, seuls êtres à qui il semblait témoigner de la tendresse ; le fait qu’il était végétarien, etc).

Pour autant, La femme de nos vies n’est pas un roman historique mais une fiction, qui révèle notamment une tension amoureuse entre le héros adolescent et Ilsa Shaffner. Leur relation est un mélange complexe entre un rapport élève/mentor et une attirance homme/femme. Elle m’a rappelé le film The Reader de Stephen Daldry, dans lequel un adolescent s’éprend d’une femme plus âgée accusée plus tard de crimes nazis. Les questionnements du lecteur sont nombreux : qu’a vécu le héros au château d’Helm ? Pourquoi a-t-il perdu de vue Ilsa Shaffner ? Qu’a-t-il fait après la guerre ? Les réponses sont distillées au fil de l’histoire, jusqu’à la toute fin du livre, ce qui garantit un rythme intéressant.

Néanmoins, j’ai souvent trouvé les rebondissements un peu gros pour être honnêtes et surtout, la narration ne m’a pas convaincue. David Rosfeld raconte son histoire à Marianne mais c’est toujours lui qui a la parole. Son récit ressemble donc à un long monologue dans lequel on n’entend jamais les propos de Marianne de manière directe. Sa présence est souvent rappelée par des détails anodins, comme ceux du repas qu’elle partage avec David Rosfeld alors qu’il lui raconte son passé, par exemple : « C’est un vin de glace, vendangé la nuit en décembre, à la lueur des phares. Danke schön. Il dit que la choucroute arrive. Non, ça ira, mais… » ou encore « Voir Ilsa revivre dans vos yeux est un tel cadeau. J’espère que de votre côté, ce n’est pas trop pénible… C’est gentil de me dire ça. Mais prenez votre temps ».

Parfois, ce choix narratif se fait oublier : on boit les propos de Rosfeld, on se laisse emporter par ses émotions… mais soudain, retour à la trivialité avec des discussions sur la choucroute du dîner, le vin ou la vie amoureuse de Marianne. J’ai vécu ces moments comme des interruptions superflues dans l’histoire, qui cassaient sa force émotionnelle. Par ailleurs, dans quelle conversation réelle reformule-t-on tous les propos de son interlocuteur ? A mes yeux, ça a créé une distance avec l’histoire qui m’a empêchée de m’y projeter totalement.


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