La femme révélée – Résumé
Dans une autre vie, Violet s’appelait Eliza Donnelley. Elle menait la vie d’une épouse fortunée, soumise à des obligations mondaines dans les hautes sphères de Chicago. Elle avait un fils, Tim.
Aujourd’hui, traquée, elle a dû laisser derrière elle tout ce qui faisait son quotidien pour s’installer à Paris. Ou plutôt, se cacher à Paris, la peur au ventre.
Comment se pardonner d’avoir tout quitté ? Pourquoi avoir fait ce sacrifice radical d’abandonner les siens et son pays du jour au lendemain ? Comment vivre sous l’identité d’une autre, en n’ayant jamais la liberté d’être tout à fait soi ?
Auteur – Gaëlle Nohant.
Taille du livre – 384 pages.
Note – ★★★☆☆
La femme révélée – Avis sur le livre
Sa héroïne a dû faire le choix du sacrifice pour sauver sa propre vie, un paradoxe qui éveille notre curiosité dès les premières pages du roman.
Elle s’appelait Eliza, elle était mariée à Adam Donnelley, un homme influent et fortuné de Chicago. Elle avait renoncé à l’aspiration d’une carrière en sociologie pour se fondre dans le rôle que la société attendait d’elle : celui de la « bonne épouse », assumant son rôle mondain et élevant un fils, Tim.
Mais sous le vernis de l’aisance financière et de la famille en or se cachait une autre réalité, dans une ville où rien n’est évident :
« Ici, votre voisin peut vous traiter de tous les noms et vous sauver la vie le lendemain. La pire des crapules y devient sentimentale à certaines heures. Il arrive que la haine tombe comme un manteau poussiéreux et usé. Ce genre de miracle se produit tous les jours, au coin de Division Street ou dans une rue paisible de la Gold Coast.
C’est une ville dure, bâtie sur le sang des bêtes et des hommes, sur le dernier espoir et la cupidité, le travail harassant, et sur le goût de ces batailles perdues que l’on remet en jeu, encore et encore, en leur espérant une fin plus heureuse ».
On découvre rapidement qu’Eliza a fui Chicago, traquée, acculée, contrainte de se réfugier dans un hôtel de passe miteux à Paris sous une fausse identité. Sans son fils, qu’elle a laissé derrière elle.
On devine, derrière l’énormité d’une telle décision, à quel point la vie ne lui laissait pas d’autre choix. Un sacrifice contre sa vie préservée. Mais à quel prix ?
Eliza a dû changer de nom, devenir « Violet Lee », avec pour seul souvenir de son ancienne vie son précieux appareil photo, un Rolleiflex par lequel elle révèle sa vision du monde et derrière lequel elle se cache quand le poids de la réalité devient trop lourd.
« Elle a attendu de n’avoir plus le choix pour s’armer de courage, descendre dans les soubassements de la ville, affronter ceux qui pouvaient l’aider. Le genre d’amis qu’on préfère ne pas cultiver, qui font payer cher leurs services et ne vous laissent jamais quitte. Elle le savait déjà, à l’instant où le petit voyou italien lui a tendu le passeport au-dessus du comptoir d’un bistrot borgne.
Elle l’a ouvert et étudié en silence, frappée par la ressemblance physique. La propriétaire du passeport s’appelait Violet Lee. Elle était née le 11 mars 1919 à Chicago, quelques mois avant qu’Eliza ajoute son premier cri à ceux d’une ville à feu et à sang. Sur la photo, Violet a des yeux marron-vert, des cheveux châtains aux épaules : elles pourraient être jumelles ».
La femme révélée de Gaëlle Nohant est une histoire de fuite tapissée de rencontres. Les unes, dangereuses, car une femme isolée, sans passé et sans argent, est nécessairement vulnérable. Les autres, riches de sens. Artistes, photographes, prostituées, petits voyous, les profils se mêlent et défilent dans la vie d’Eliza.
Elle doit s’efforcer de se construire avec une identité qui n’est pas la sienne, d’être vraie dans ses émotions alors même que son propre nom est faux. Elle doit vivre avec la culpabilité d’avoir abandonné son fils Tim à Chicago, d’avoir laissé Tim avec Adam, d’être partie sans un au-revoir, en laissant juste à son fils un mot où elle lui promet de revenir.
Elle doit accepter d’avancer, d’aimer, de s’attacher, dans une ville où pourtant elle n’a pas d’attaches…
La femme révélée est aussi un roman profondément ancré dans l’histoire politique de Chicago : une ville gangrenée par le racisme, où les Noirs sont relégués dans des ghettos et exploités par des Blancs sans scrupules tandis qu’en apparence, on prétend qu’ils sont désormais bien traités. Une ville qui, plus tard, se révoltera contre les injustices, la brutalité policière, la corruption, la guerre du Vietnam, tout ça à la fois…
Eliza se retrouvera mêlée à cette marche de l’histoire, où les hippies et leurs idéaux de paix copieusement nourris au LSD côtoient les militants et les policiers véreux, où les figures qui dérangent sont assassinés et les dissidents bastonnés pour étouffer les rébellions dans l’œuf.
Si ce tournant politique ne m’a pas passionnée, force est de reconnaître que l’écriture de Gaëlle Nohant est brillante. Elle exhale une puissante justesse dans les atmosphères qu’elle sait créer, on se projette dans leurs ombres et leurs révélations, dans les angoisses et les émotions de chacun des personnages.
Et quand vient la dernière page, on reste avec une foule d’images en tête…
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