La mort est mon métier, Robert Merle


La mort est mon métier – Résumé

Le Reichsführer Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s’éclaira…

– Le Führer, dit-il d’une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.

Il fit une pause et ajouta :

– Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.

Je le regardai. Il dit sèchement :

– Vous avez l’air effaré. Pourtant, l’idée d’en finir avec les Juifs n’est pas neuve.
Nein, Herr Reichsführer. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu’on ait choisi…


Auteur.
Taille du livre384 pages.
Note – ★★★★★

La mort est mon métier, Robert Merle

La mort est mon métier – Critique

Ce roman de Robert Merle a marqué ma vie de lectrice toute entière. Oui, rien que ça. Il raconte la vie d’un personnage semi-fictif, Rudolf Lang, fortement inspiré de Rudolf Hoess, commandant du camp de concentration d’Auschwitz pendant la Seconde Guerre Mondiale. Robert Merle a mené un véritable travail d’historien pour reconstituer la manière dont le camp d’Auschwitz s’est mis en place et le rôle joué par Hoess dans cette machine de l’horreur : il a consulté les documents du procès de Nuremberg, l’autobiographie écrite par Rudolf Hoess en prison, il a rencontré le psychologue qui a interrogé Hoess pendant le procès. A partir de ces données bien réelles, il a écrit la vie de Rudolf Hoess depuis son enfance jusqu’à son procès.

A sa sortie en 1952, le livre a fait un flop. Robert Merle le dira lui-même plus tard : les gens en avaient marre de ce sujet, une multitude de livres étaient sortis juste après la guerre pour raconter ce qui s’était passé dans les camps. Ce n’est qu’avec les années que son travail a pris un sens nouveau et est devenu un classique de la littérature sur le régime nazi.

Rudolf Hoess (au centre) après son arrestation
Rudolf Hoess (au centre) après son arrestation

L’histoire commence en 1913. Rudolf Lang a 13 ans et grandit dans une famille ultra-catholique. Chaque matin, son père le fait lever à 5h pour assister à la messe. Cette dévotion vient en partie d’un épisode survenu il y a bien longtemps : le père a commis un péché, sans doute un adultère, lors d’une visite à Paris… Se sentant atrocement coupable, il a alors juré devant Dieu qu’en échange du pardon divin, il ferait en sorte que son premier fils devienne prêtre. Avant même sa naissance, Rudolf Lang avait donc un avenir tout tracé. Ce père est décrit comme rigide, inflexible, donnant des ordres qui ne se discutent pas avec une rigueur méthodique et dépourvue d’émotions. Rudolf doit simplement obéir.

Un jour, à l’école, il pousse un camarade lors d’une dispute et ce dernier se casse la jambe en glissant sur la neige. Rudolf est horrifié, bien que son ami ne lui porte aucune rancune… Il va se confesser auprès du prêtre de son établissement, comptant sur le secret de la confession pour soulager sa conscience tout en évitant la colère de son père. Mais le soir, il découvre avec horreur que son père est au courant de l’incident. Soupçonnant le prêtre de l’avoir trahi, il décide alors de renier sa foi.

Dès l’adolescence, il s’engage dans l’armée et y trouve un sentiment d’appartenance et de sécurité qu’il n’avait jamais connu jusqu’ici. On lui demande simplement d’obéir à des ordres et cette rigueur militaire lui plaît autant qu’elle le rassure. A sa démobilisation, il rejoint rapidement le parti nazi. A l’époque, personne ne semble réaliser le danger que représente Hitler : l’homme ne cessait de répéter que malgré le traité de Versailles signé à la fin de la Première Guerre Mondiale, les Alliés chercheraient tôt ou tard à « finir le travail » et mettre l’Allemagne à terre. Quand Raymond Poincaré donne l’ordre à l’armée française d’occuper la Ruhr, Hitler saisit l’occasion pour dire aux Allemands « Vous voyez, je vous l’avais dit ». Cet épisode aurait considérablement favorisé l’essor du parti nazi, le peuple voyant à l’époque en Hitler quelqu’un qui allait protéger l’Allemagne.

L’obéissance de Rudolf Lang lui permet rapidement de monter en grade, jusqu’à prendre la direction d’Auschwitz et mettre en place une véritable usine de mise à mort.

Les enfants de Rudolf Hoess dans leur villa d'Auschwitz : l'insouciance à quelques mètres de l'horreur
Les enfants de Rudolf Hoess dans leur villa d’Auschwitz : l’insouciance à quelques mètres de l’horreur

Son absence de réflexion morale est horrifiante. L’homme se contente d’obéir. Ce n’est pas une obéissance stupide où il fait simplement ce qu’on lui demande. C’est une obéissance astucieuse où il cherche à « bien faire » mais sans jamais se poser la question du bien et du mal. On lui demande de liquider X personnes par jour ? Méthodiquement, il cherche une solution efficace pour y parvenir.

– Je ne pouvais pas me permettre d’être ému. J’avais des ordres. Les enfants étaient considérés comme inaptes au travail. Je devais donc les gazer.
– Il ne vous est donc jamais venu à l’idée de les épargner ?
– Il ne m’est jamais venu à l’idée de désobéir aux ordres.

Le roman de Robert Merle mêle dialogues et narration, nous permettant de plonger au cœur même des pensées de son personnage, de saisir toute la complexité du problème, entre soumission à l’autorité et fuite d’un carcan religieux pour au final s’imposer un autre carcan idéologique. C’est un livre effrayant de froideur, où toute décision est intellectualisée sans la moindre empathie. Je l’ai lu pour la première fois à l’âge de 12 ans. Un souvenir indélébile qui, je crois, a vraiment éveillé en moi le désir profond de participer au devoir de mémoire sur cette période de l’Histoire.


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2 commentaires sur “La mort est mon métier, Robert Merle
  • VALERIE

    Marlène,
    Sur le même personnage… Je viens de terminer « Le commandant d’Auschwitz parle » de… Rudol Hoess !
    Où, comment justifier l’injustifiable par lui même. J’ai cette manie d’annoter, surligner certains passages des livres que je lis et là je suis restée « baba » par tant d’ « angelisme » de sa part. Ses grandes envolées lyriques, ses questions existentielles, ses justifications sont tellement
    incongrues que je ne savais plus si je devais sourire ou pleurer.
    Je ne peux que partager les dernières lignes de son texte confession :
    Que le grand public continue donc à me considérer comme une bête féroce, un sadique cruel, comme un assassin de millions d’êtres humains : les masses ne sauraient se faire une autre idée de l’ancien commandant d’ Auschwitz. Elles ne comprendront jamais que , moi aussi, j’avais un cœur….
    Rudolf Hoess

    • Marlène

      Oops, je réponds tardivement… J’ai ce livre dans ma « liste à lire », au même titre que « Au fond des ténèbres : un bourreau parle » (c’est la « confession » du commandant de Treblinka recueillie juste avant son procès en Allemagne, dans les années 70 car il a fui et été capturé tardivement). Ce qui est dingue, c’est cette capacité à avoir un raisonnement parfaitement logique pour justifier une conduite parfaitement détestable. C’est en quelque sorte la dissociation extrême entre intellect et affect.



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