La Vague – Résumé
1967, dans un lycée de Palo Alto en Californie. Un professeur d’histoire présente à ses élèves un film sur les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale. Nombre d’entre eux manifestent leur incompréhension face au nazisme : comment se peut-il que personne n’ait manifesté d’opposition à la barbarie ? La plupart sont convaincus qu’un tel drame ne pourra plus jamais se reproduire.
Intrigué par les questionnements des lycéens, le professeur décide alors de mener une expérience, en fondant un mouvement, La Vague, basé sur la discipline et la communauté. Rapidement, La Vague se propage dans l’établissement scolaire, déchaînant les passions et faisant naître, aussi, la crainte que la situation échappe à tout contrôle.
Parmi les élèves, une jeune fille développe vite une certaine méfiance envers le projet…
Auteur – Todd Strasser.
Taille du livre – 224 pages.
Note – ★★★★★
La Vague- Avis sur le livre
En 1976, un professeur d’histoire – Ron Jones – publie dans un magazine indépendant le récit d’une expérience qu’il a menée en 1967 dans une classe du lycée Cubberley de Palo Alto, en Californie. Une expérience qu’il décrira, des années plus tard, comme « l’événement le plus effrayant [qu’il ait] jamais vécu dans une salle de classe ».
Il enseignait alors à ses élèves l’histoire de l’Allemagne nazie. Lors d’un cours, il est surpris par l’avalanche de questions posées par les lycéens et il prend conscience qu’il ne possède pas toutes les réponses, en particulier lorsque les adolescents s’interrogent sur l’obéissance. Pourquoi les Allemands ont-ils tous obéi aux ordres ? Pourquoi même les gens les plus intelligents n’ont-ils pas élevé la voix contre la société qui prenait forme sous leurs yeux ?
Ron Jones est de ces professeurs qui se donnent corps et âme à leur métier, souvent avec une vision assez avant-gardiste qui séduit les élèves mais ne fait pas l’unanimité parmi ses collègues.
Et ce jour-là, il décide d’imaginer une expérience pour montrer aux adolescents les bienfaits de la discipline et de l’esprit de corps… en fondant un mouvement imaginaire, La Troisième Vague.
De son article ont été tirés un téléfilm en 1981, un film de 2008 et même une série Netflix en 2019… mais aussi ce roman de Todd Strasser, paru en 1981. L’auteur a rebaptisé certains personnages et romancé le tout, mais conserve l’essence de ce que fut l’expérience de Ron Jones.
« Pourquoi publier ce texte ? Parce qu’il existe encore des livres rares qui marquent notre histoire et notre mémoire. La Vague en fait partie. Et pourtant, au départ, c’est une histoire simple, banale, vécue dans un lycée américain, en 1967… On y parle de la Seconde Guerre Mondiale, un sujet très éloigné des préoccupations des lycéens et qui devient tout à coup un élément de questionnement dévastateur : l’histoire peut-elle être un éternel recommencement ? Cette expérience réalisée aux Etats-Unis est un exemple et un avertissement. Il faut être vigilant chaque jour pour que la « bête immonde » ne revienne pas » (Jean-Claude Gawsewitch, éditeur de La Vague de Todd Strasser en France)
Le professeur, rebaptisé Ben Ross, fait face au difficile challenge de faire comprendre l’Allemagne nazie à des adolescents qui, somme toute, sont encore très naïfs et protégés, vivant pour la plupart dans des familles bourgeoises sans difficulté particulière.
Sans surprise, les lycéens sont donc particulièrement choqués de découvrir des images des camps de concentration… et les avis fusent, tout comme les questions, pour tenter d’esquisser une explication à l’inexplicable.
Laurie Saunders, la meilleure élève de la classe, manifeste son incompréhension face à l’obéissance dont ont fait preuve la plupart des Allemands.
– Après la guerre, beaucoup de nazis essayèrent d’excuser leur comportement en expliquant qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres et qu’ils se seraient fait tuer s’ils avaient désobéi.
– Non, ce n’est pas une excuse, objecta Laurie en secouant la tête. Ils auraient pu s’enfuir. Ils auraient pu riposter. Ils voyaient de leurs propres yeux ce qui se passait, ils n’étaient pas stupides. Ils pouvaient penser par eux-mêmes. Personne ne pourrait obéir à un ordre de ce genre sans se poser de questions ».
D’autres élèves s’étonnent qu’une minorité – les nazis – ait pu imposer sa vision de la société à l’ensemble de l’Allemagne. Ben Ross rappelle que ce n’était pas n’importe quelle minorité, mais une minorité « très organisée, armée et dangereuse ».
Ce débat lui reste en tête lorsqu’il rentre chez lui à l’issue de cette journée… et il décide d’initier une petite expérience auprès de ses lycéens. Elle se déroule en 5 étapes et aurait duré une semaine scolaire :
- Lors du premier cours, le professeur insiste sur les vertus de la discipline et, par de petits exercices, enseigne à ses élèves comment être plus efficaces en obéissant et en s’organisant. Aussi surprenant que cela paraisse pour des adolescents relativement indisciplinés, la classe se prend au jeu justement parce qu’elle estime encore que ce n’est qu’un jeu.
- Lors du second cours, Ben Ross imagine un slogan pour la classe : « La force par la discipline, la force par la communauté ». Il donne également un nom au mouvement (« La Troisième Vague » dans la vraie vie, « La Vague » dans le roman) et un salut. Les élèves l’ignorent, mais ce salut est en réalité un salut nazi. Il les fait répéter le slogan en cœur et les lycéens se laissent gagner par le sentiment grisant d’appartenir à une même communauté… y compris Robert Billings, qui est habituellement le souffre-douleur de la classe.
- Lors du troisième cours, Ben Ross constate la présence dans sa classe d’élèves qui n’en font pas partie mais ont entendu parler de « La Vague ». Il commence à distribuer à chacun une carte de membre et fait évoluer le slogan du mouvement, en ajoutant la notion « d’action ». La discipline et la communauté ne sont rien si elles ne sont pas suivies d’une action. Le professeur incite donc les élèves à structurer davantage le mouvement et de nouveaux comportements font surface : dénonciation des « opposants », Billings qui s’improvise garde du corps de Ben Ross, estimant que le « leader » du mouvement doit être protégé…
- Lors du quatrième cours, Ben Ross commence à sentir que l’expérience est en train de lui échapper : des dizaines d’élèves d’autres classes sèchent les cours pour venir assister au sien, la délation va bon train dans le lycée, prenant une ampleur inquiétante. Il « révèle » alors aux élèves que la Vague a gagné l’ensemble du pays… et que le leader national du mouvement s’adressera aux « jeunesses de la Vague » le lendemain. Les membres du mouvement sont sommés de montrer en moins de 24 heures un « meeting » à cette occasion.
- Le cinquième cours est celui de la révélation… qui place les élèves face à l’énormité de ce qu’ils ont vécu.
Si l’expérience est si exceptionnelle, c’est parce qu’elle révèle la manière dont des personnalités différentes vont réagir face à ce type de situation, comment des failles se créent dans des relations jusqu’ici sans nuage, comment des individus tirent au contraire profit de cette nouvelle organisation…
Laurie Saunders, par exemple, est la bonne élève du lycée… et entretient toujours une relation à mi-chemin entre amitié et compétition avec sa copine Amy. Lorsque « La Vague » fait surface, prônant l’égalité, cela fait perdre à Laurie son statut privilégié au sein du groupe… et quand elle émet des critiques polies sur La Vague, on les attribue aussitôt à sa volonté de « rester la chouchoute » sur son piédestal et non à son esprit critique.
A l’inverse, Robert Billings, le « cancre » de la classe, souffre en réalité terriblement de vivre dans l’ombre d’un grand frère extrêmement brillant qu’il a le sentiment d’être incapable d’égaler. Avoir subitement le sentiment d’appartenir à « quelque chose de plus grand que lui », d’être l’égal des autres, le galvanise.
La Vague de Todd Strasser montre aussi les aspects ambivalents de ce type de mouvement : les élèves sont clairement séduits par l’idée d’appartenir à une même équipe, eux qui vivent au quotidien dans un monde de différences avec les élèves populaires et les autres, les sportifs et les autres, les bons élèves et les autres, etc. Cette discipline leur donne des ailes et des espoirs, comme celui d’améliorer le niveau de l’équipe sportive du lycée.
Instaurer l’égalité, gommer les différences permet aussi aux « plus faibles » d’oser s’exprimer au même titre que les autres.
Le versant plus noir de l’expérience révèle que cette vision extrême de « l’égalité » gomme peu à peu l’esprit critique : par peur de créer des divergences, beaucoup préfèrent taire leurs remarques, leurs éventuelles réflexions personnelles. La pensée est certes structurée et les connaissances présentes, mais les élèves perdent peu à peu leur capacité à argumenter ou à présenter plusieurs visions des choses.
L’influence qu’exerce le professeur d’histoire sur ses élèves est fascinante et terrifiante à la fois : elle interroge sur la malléabilité des adolescents, sur l’influence minoritaire face à une majorité, sur l’autorité… et même sur la manière dont « le groupe » peut prendre le contrôle et faire exister des idées indépendamment de la personne qui les a impulsées.
Ben Ross reste en effet convaincu pendant longtemps qu’il « maîtrise la situation » et qu’en tant que leader, il est impossible que le mouvement lui échappe. Et pourtant, la Vague révèle ses aspects les plus dangereux justement parce qu’elle commencer à exister par elle-même, à se structurer, à ne plus avoir besoin d’un « leader » au quotidien pour mener des actions.
C’est un véritable condensé de concepts de psychologie sociale à explorer, et si vous aimez la discipline, vous prendrez un plaisir fou à lire ce livre. En tant qu’adulte ou en tant qu’ado, La Vague pousse à se poser une foule de questions sur l’embrigadement et ses dangers.
Au-delà de cette dimension « sérieuse », l’écriture est aussi suffisamment dynamique et intrigante pour que l’on ait envie de tourner les pages, d’en savoir plus sur la manière dont La Vague se met en place dans le lycée, dont elle étouffe les opposants et magnifie les suiveurs. Et on a hâte de voir si ça se termine par un drame ou par une « bonne leçon d’histoire »…
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Super le résumé. Merci beaucoup !!
Superbe description ?