Le cas zéro, Sarah Barukh : quand les premiers cas de SIDA suscitent l’angoisse…


Le cas zéro – Résumé

Dans les années 80, le Dr Laurent Valensi découvre dans le service hospitalier où il travaille les analyses catastrophiques d’un patient mystérieux, Ali Benyoussef, rangées par erreur dans un autre dossier…

Personne à l’hôpital ne semble avoir croisé sa route, ce qui semble étonnant car au vu des examens médicaux, l’homme est à la frontière de la mort…

Assez rapidement, Laurent Valensi réalise que sa curiosité envers Ali Benyoussef dérange… et il suspecte que l’homme ne soit le premier porteur identifié du « cancer homosexuel » dont les médias se font l’écho. On raconte qu’il ne sévit pas encore en France… mais est-ce vraiment le cas ?


Auteur.
Taille du livre544 pages.
Note – ★★★★☆

Le cas zéro, Sarah Barukh

Le cas zéro – Avis sur le livre

J’ai dévoré à toute allure Le cas zéro de Sarah Barukh, dont l’écriture vous emporte sans temps mort jusqu’à la dernière page !

Nous sommes au début des années 80, en France. Le Dr Laurent Valensi exerce à l’hôpital Saint-Louis, c’est un médecin apprécié et humain, qui vient de prendre sous sa responsabilité une jeune interne, Camille. Son quotidien est celui de nombreux praticiens : traiter des urgences, annoncer de bonnes ou de mauvaises nouvelles, écouter les inquiétudes que lui confient tous les gens de son entourage en quête d’un diagnostic rapide ou d’une oreille attentive…

« Le plus difficile pour Laurent, c’était de recevoir tous ces patients qui venaient pour combler leur solitude. Ils s’inventaient des symptômes pour rencontrer un médecin qui s’intéresse à eux. Combien d’hommes et de femmes avaient prétexté un mal de ventre, finissant par éclater en sanglots en expliquant que leur conjoint venait de les quitter ? Il fallait les prendre en charge, les écouter, leur prescrire du paracétamol et du sommeil, rien de médical en somme, mais ils ne repartaient pas sans ordonnance, preuve que leur chagrin était réel ».

La médecine est de ces disciplines intégrales, qui prennent le pas sur tout le reste. On ne cesse jamais d’être médecin. Évidemment, le fait que Laurent Valensi se dévoue corps et âme à son métier n’est pas toujours évident à vivre pour son épouse et sa fille Julia. Mais il en est ainsi.

Jusqu’au jour où Laurent découvre par hasard dans un dossier des analyses médicales extrêmement inquiétantes. Elles appartiennent à Ali Benyoussef, un patient de toute évidence mourant… mais bizarrement, impossible pour le médecin de savoir où se trouve cet homme. Personne ne semble l’avoir vu, il n’y a pas de dossier, il a apparemment été suivi par le chef de service lui-même, le Professeur Willot, alors que l’homme ne prend jamais de patients…

Tout ce mystère cache quelque chose et Laurent met tout en oeuvre pour entrer en contact avec Ali Benyoussef. Face aux nombreuses incohérences de son état clinique, Valensi commence rapidement à suspecter l’existence d’une maladie encore jamais vue en France.

Aux États-Unis, on parle de « cancer homosexuel ». Dans les médias, on évoque parfois le « LAV ». Quelques années plus tard, on parlera du sida.

Mais à ce stade, la France se protège en affirmant publiquement que la maladie n’a pas encore franchi les frontières. Les enjeux, médiatiques comme socio-politiques, sont énormes. Derrière une annonce publique, entrent en jeu des questions d’éthique mais aussi de gros sous… et Laurent Valensi se retrouve vite pris au piège de cette toile dont il ne maîtrise pas toutes les ficelles.

Le cas zéro, Sarah Barukh

Le cas zéro de Sarah Barukh est passionnant non seulement parce qu’il explore cette période méconnue de l’histoire du virus du sida, dans une fiction captivante… mais aussi parce que l’auteur a pris le temps de construire l’histoire de ses personnages en lui donnant une vraie richesse.

Il en résulte des personnages secondaires très profonds, complexes et intéressants.

Par exemple, le Dr David qui tient l’épicerie de l’hôpital était un médecin renommé dans son pays, la Tunisie, mais a dû se reconvertir en arrivant en France car son diplôme n’avait aucune valeur dans le pays. Quand j’étais moi-même étudiante en médecine, il y avait sur les bancs de ma fac un médecin iranien, qui devait reprendre ses études à zéro pour avoir le droit d’exercer car il était précisément dans cette situation…

La famille de Laurent Valensi a elle aussi une histoire passionnante : originaire de Tunisie, le médecin est venu vivre en France à l’âge de quatre ans avec ses parents et ses deux frères, Alain et Serge. Leur mère est un jour tombée gravement malade et c’est dans cet épisode tragique que Laurent a puisé sa vocation pour la médecine, ses frères partant vers d’autres voies, d’autres histoires.

Cette histoire, Laurent la porte encore à l’âge adulte, jusque dans de petites phrases du quotidien :

« Pourquoi avait-il fallu que Nathalie organise ce dîner ? Elle savait bien qu’au moment des fêtes, les patients n’en finissaient pas d’arriver. Il détestait les mondanités. Il se sentait sans cesse en décalage. À peine avait-il quitté les mourants et les malades qu’il devait faire semblant de s’intéresser à des futilités. Que les gens étaient ennuyeux !

Sans parler de ceux qui le voyaient encore comme l’immigré de service ! Même après tout ce temps en France, sa peau mate prenait le dessus. Il les connaissait, toutes ces phrases : « On va au Maroc, vous auriez des adresses à nous donner ? » Comme s’il était l’ambassadeur du Maghreb, alors qu’il avait quitté Tunis à l’âge de quatre ans »…

J’ai aimé la profondeur des personnages mais aussi le regard porté sur les débuts de la pandémie de sida. Ce sentiment d’une menace diffuse, impalpable et terrifiante. D’une impuissance majeure face au virus.

« Laurent éteignit la télévision. Tout le déprimait. Il pensait à ces médecins qui, comme lui, seraient bientôt confrontés à cette maladie sans nom ni forme réels. Généralistes, dermatos, chirurgiens, stomatos… Ils connaîtraient la peur à leur tour, et leur serment leur laisserait une amertume dans la bouche.

Comme lui, ils devraient choisir entre vivre avec l’angoisse de mourir, de contaminer les leurs ou être des hommes à la hauteur. Impossible de se regarder en face en laissant un patient repartir sans soins, et pourtant que de souffrance en le soignant ».

Je vous conseille donc vivement la lecture du roman Le cas zéro, vous ne verrez pas le temps passer !


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