Le choeur des femmes – Résumé
Jean Atwood est interne en médecine. Son parcours universitaire brillant semble la destiner à une carrière prometteuse et elle brigue un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais auparavant, on l’oblige à effectuer six mois de stage dans une petite unité de « Médecine de la femme ».
Jean prend cela comme un camouflet. Elle, major de promo, va devoir passer six mois sans effectuer aucun geste technique complexe, à écouter des « problèmes de bonnes femmes » ? Elle a l’impression de laisser filer son talent, de devoir jouer les psychologues de comptoir.
Très vite, la jeune interne est gagnée par l’agacement face à Franz Karma, le médecin qui dirige le service. Ses qualités d’écoute et son approche aux antipodes de la gynécologie très médicalisée que Jean Atwood connaît déconcertent l’élève. Mais ses études lui ont-elles vraiment tout appris ? Et son malaise face à Karma ne cache-t-il pas des questionnements plus profonds sur elle-même ?
Auteur – Martin Winckler.
Taille du livre – 688 pages.
Note – ★★★★☆
Le choeur des femmes – Critique
Jean Atwood en fait l’expérience lorsqu’elle arrive dans le service de médecine de la femme dirigé par Franz Karma. L’homme traîne une réputation houleuse, on le surnomme « Barbe-Bleue ». Atwood fait quant à elle figure de petit génie. Elle est fascinée par la chirurgie gynécologique, sa technicité et le challenge de s’imposer dans un métier dominé par les hommes. Ils ne lui ont épargné aucune réflexion, lui ont mis plus de bâtons dans les roues que de raison. Elle a tenu bon et n’aspire désormais qu’à une chose : le poste de chef de clinique qu’on lui a promis, première étape d’une jeune carrière prometteuse.
Le hic, c’est ce stage qu’on lui impose. Six mois dans un service qu’elle n’a pas choisi et qui est tout sauf technique. Karma s’oppose à une médecine trop médicalisée, à une médecine du geste où l’on impose aux patientes en gynécologie bien des examens qui ne sont pas toujours nécessaires. Atwood peine à garder sa patience : quel est l’intérêt d’écouter toute la journée des problèmes de bonne femme qui ont trop ou pas assez de règles, mal aux seins, le sexe qui les démange ou une pilule qui leur donne mal à la tête ?
Le choeur des femmes nous raconte la vie du service de Franz Karma mais aussi, en toile de fond, nous sensibilise à la question de l’ambiguïté sexuelle. Le sujet fascine Jean Atwood et c’est justement un thème sur lequel les médecins ont matière à se déchirer : certains estiment que lorsqu’un enfant naît avec une ambiguïté sexuelle, il faut l’opérer au plus vite afin de lui assigner un genre ; d’autres pensent qu’il faut attendre que l’enfant grandisse et lui laisser ce choix.
Si l’intrigue elle-même est plutôt simple (voire tirée par les cheveux par moments !), l’analyse du milieu médical se révèle fine et sensible. Elle rappelle qu’une consultation gynécologique n’est pas seulement une mise à nu physique où la femme dévoile au médecin son intimité, c’est aussi le lieu où se jouent des questions complexes autour du couple, de la famille, du rapport au corps…
Le choeur des femmes pose la question de la définition même de la médecine et du soin. Et de la difficulté à enseigner une discipline qui n’est pas un simple amas de connaissances mais aussi une capacité à faire preuve d’humilité, à ne pas céder à l’appel de l’argent ou de la gloire… et tout simplement à être humain. Or, ces qualités humaines ne semblent pas toujours évaluées par la formation en médecine dispensée à la faculté.
Karma et Atwood forment un tandem atypique et fascinant : elle, brillante mais froide, les connaissances chevillées au corps ; lui, chaleureux et limitant les examens au minimum, attaquant souvent frontalement les pratiques médicales enseignées… Evidemment, vous vous en doutez, Jean Atwood ne va pas pouvoir camper bien longtemps sur ses positions.
L’écriture nous plonge tour à tour dans ses pensées, dans les souvenirs de Franz Karma, dans l’histoire des patientes racontée parfois avec leurs propres mots. On sent du vécu et du réalisme… Avec, parfois, quelques longueurs où l’on se prend à éprouver, comme Jean Atwood, un agacement pour ces « problèmes de bonnes femmes » qui se ressemblent tous.
Martin Winckler nous donne au final une belle leçon sur ce que la médecine devrait être…
Les commentaires du blog sont actuellement fermés.
Je l’ai bien aimé également même s’il s’est révélé totalement différent de ce à quoi je m’attendais en lisant les avis des uns et des autres. Sans négliger la dimension romanesque, l’auteur nous livre une vraie réflexion sur la définition du médecin.
C’est ce que j’ai beaucoup aimé :) J’imaginais un roman au sens classique du mot, avec des péripéties… et j’ai eu le sentiment de vivre un vrai moment de réflexion sur le sens du « soin », sur fond d’intrigue divertissante qui évite au propos d’être moralisateur ou pesant.