Les enfants sont rois – Résumé
Kimmy Diore, 6 ans, a disparu lors d’une partie de cache-cache. Lorsque Clara Roussel, chasseuse d’indices au sein de la police, récupère le dossier, elle comprend bien vite sa spécificité : Kimmy était une enfant star.
Surexposée par sa mère Mélanie Claux depuis son plus jeune âge aux côtés de son frère Sammy, elle a grandi sous l’œil des internautes, mise en scène dans des vidéos YouTube sur la chaîne « Happy Récré » et dans des stories Instagram. Tous les jours. Du matin au soir. Dans les moindres aspects de son quotidien.
N’importe qui pourrait en vouloir à la famille…
Auteur – Delphine de Vigan.
Taille du livre – 339 pages.
Note – ★★★★★
Les enfants sont rois – Avis sur le livre de Delphine de Vigan
Aujourd’hui, n’importe qui peut choisir de s’exposer. La visibilité, la médiatisation n’est plus l’apanage de la télévision et des journalistes, elle repose entre les mains de toute personne pourvue d’une connexion et d’un smartphone. Par ailleurs, l’exposition ne découle plus d’un accomplissement comme ça pouvait être le cas par le passé.
Il fut un temps où l’on passait à la télévision parce que l’on avait quelque chose à dire, un message à faire passer, un talent à partager, un engagement à défendre. Et puis, il y a eu l’épisode fondateur du Loft. Plus qu’un programme télé, il a marqué un tournant spectaculaire dans l’histoire de la télévision.
Pour la première fois, des gens se retrouvaient scrutés par des caméras non parce qu’ils étaient extraordinaires mais parce qu’ils étaient ordinaires… et parce qu’ils étaient ordinaires, cela en faisait un événement extraordinaire. Ce « paradoxe du Loft » a complètement transformé les perspectives : ainsi pouvait-on se montrer et être vu simplement pour distraire les autres qui, par curiosité ou voyeurisme, se sont pris au jeu de regarder ces émissions.
Avec les réseaux sociaux, l’essor de la téléréalité, la « visibilité » est devenue un enjeu, à la portée de tous… et dont on comprend l’attrait pour certaines personnalités.
« Peut-être, en effet, était-ce au cours de ces quelques semaines [de diffusion de Loft Story] que tout avait commencé. Cette perméabilité de l’écran. Ce passage rendu possible de la position de celui qui regarde à celui qui est regardé. Cette volonté d’être vu, reconnu, admiré. Cette idée que c’était à la portée de tous, de chacun. Nul besoin de fabriquer, de créer, d’inventer pour avoir droit à son « quart d’heure de célébrité ». Il suffisait de se montrer et de rester dans le cadre ou face à l’objectif ».
A mes yeux, la téléréalité exploite souvent la bêtise, la naïveté ou la vulnérabilité de certaines personnes… et les gens qui conçoivent ces programmes, qui font des castings pour ces programmes, ne sont pas des idiots. Ils sélectionnent sciemment des personnalités en mal de reconnaissance, des gens qui cherchent à combler par la notoriété un vide intérieur, à en faire un pansement sur leurs failles… ou des gens qui pensent que la télévision peut être une solution, une thérapie, un droit de parole.
Alors qu’au fond, elle ne fait souvent que les jeter en pâture devant des gens prompts à critiquer, à juger, à accepter cette vision partielle des autres comme étant une représentation fidèle de ce qu’ils sont. Comme si quelques séquences montées, éditées voire scénarisées devenaient « la vérité ».
Sur le web, ce pouvoir est placé entre les mains de chacun… dont des parents.
C’est une véritable réflexion éthique sur ce sujet qui sert de toile de fond au roman de Delphine de Vigan. Les parents ont-ils le droit d’exposer leurs enfants ? Quelles peuvent être les conséquences d’une visibilité dès le plus jeune âge ? Quelle conscience un enfant a-t-il de son exposition publique et des effets qu’elle peut avoir sur leur vie future ?
Loin de transformer son livre en leçon de morale, Delphine de Vigan en fait un roman divertissant pour qui veut le lire au premier degré. C’est l’histoire d’une petite fille de 6 ans qui disparaît lors d’une partie de cache-cache dans sa résidence.
Le problème, que la police découvre bien vite, réside dans le fait que l’enfant est connue par des millions de gens car elle est mise en scène aux côtés de son frère sur une chaîne YouTube. Parmi les abonnés de cette chaîne figurent sans doute des criminels sexuels, des détraqués en tout genre, qui ont eu libre accès à toutes les informations nécessaires pour commettre un enlèvement… voire pire.
La première partie du roman nous plonge dans l’enquête pour retrouver la petite Kimmy, permettant au passage de saisir des bribes de la psychologie de sa mère. La seconde partie nous projette dans le futur, pour mesurer une partie des répercussions de la médiatisation sur la famille.
Le sujet est d’autant plus fascinant que si vous allez vous promener sur YouTube après avoir lu le roman, vous allez constater que rien n’est vraiment exagéré. Pire, vous reconnaîtrez nombre de similitudes entre les chaînes fictives évoquées dans Les enfants sont rois et certaines chaînes réelles.
Le livre ouvre aussi un véritable questionnement sur la mise en scène de soi, le rapport à la consommation et au « désir ». En effet, avec le succès d’un réseau social viennent les sollicitations des marques, la mise en scène d’une certaine surconsommation et le fait, pour ces enfants stars, de « tout avoir », de ne plus connaître la précieuse attente où l’imaginaire se remplit du jouet désiré jusqu’au jour où, enfin, peut-être, il arrivera, à la faveur d’une occasion spéciale.
Le roman de Delphine de Vigan se situe à mi-chemin entre toutes ces réflexions et une fiction… laissant au lecteur une bonne part du travail (avec une fin assez « précipitée » qui vous rappelle que la « conclusion » sur ce thème vous appartient).
En soi, l’histoire n’est pas très complexe, les personnes pas forcément analysés dans toutes leurs dimensions, on nous livre juste quelques éléments pour que chacun puisse reconstituer qui ils sont… et à travers cet exercice, on est finalement déjà acteur du roman, car on se livre aux mêmes dérives que tout internaute : on infère des choses sur la personnalité de la mère ou sur celle de la policière à partir des quelques détails dont on dispose.
C’est assurément un livre qui fait réfléchir… et s’il peut amener certaines personnes vers cet « arrêt sur image », il remplira un rôle allant au-delà de la détente associée à un bon moment de lecture.
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