Les Liaisons Dangereuses – Résumé
Le comte de Gercourt a quitté la marquise de Merteuil. Celle-ci, furieuse et blessée, décide de fomenter une vengeance terrible lorsqu’elle apprend que Gercourt va bientôt épouser la jeune et innocente Cécile de Volanges.
Mme de Merteuil confie une mission de choix à son ancien amant, le Vicomte de Valmont : user de son talent pour le libertinage afin de séduire (et de corrompre !) Cécile de Volanges… pour que le comte de Gercourt s’en trouve déshonoré.
Valmont n’est pas homme à refuser pareil défi… mais l’objet de toutes ses attentions est ailleurs : il a jeté son dévolu sur une autre femme, réputée dévote et incorruptible, la présidente de Tourvel…
Auteur – Choderlos de Laclos.
Taille du livre – 516 pages.
Note – ★★★☆☆
Les Liaisons Dangereuses – Avis sur le livre
Oh, on lui a adressé une foule de reproches. Le titre initial de l’oeuvre était en effet « Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres ». On lui a reproché de vouloir « instruire » avec un contenu qui, au final, présente un tel étalage de perversion qu’il en manque de crédibilité.
« Un homme extrêmement pervers est aussi rare dans la société qu’un homme extrêmement vertueux. On n’a pas besoin de prévenir contre les crimes, tout le monde en conçoit de l’horreur, mais des règles de conduite seront toujours nécessaires, et ce sera toujours un mérite d’en donner. Vous avez tant de facilité, monsieur, un style si aimable, pourquoi ne pas les employer à présenter des caractères que l’on désire d’imiter ? » (Marie Jeanne Riccoboni à Choderlos de Laclos).
Le livre a été écrit à Grenoble, alors que Choderlos de Laclos y était officier d’artillerie. Il s’agit d’un recueil de lettres, choix qui déjà aiguise l’imagination du lecteur : s’agit-il de véritables courriers, d’une véritable histoire où l’on a simplement renommé les personnes et changé quelques détails qui pourraient révéler l’identité des protagonistes ? Ou s’agit-il d’une intrigue parfaitement inventée ?
Choderlos de Laclos joue sur l’ambiguïté, retirant habilement certains noms et lieux comme s’il avait cherché à anonymiser les échanges…
Un point de départ : la trahison vécue par Mme de Merteuil
Dans Les Liaisons Dangereuses, il y a deux chefs d’orchestre, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil ; des musiciens, qui participent à leur insu aux plus diaboliques concertos : le chevalier Danceny, la présidente de Tourvel ou encore la jeune Cécile de Volanges ; et des spectateurs, témoins innocents des scandales qui se jouent sous leurs yeux, comme Mme de Volanges.
A l’origine de l’intrigue, une trahison. Celle vécue par Mme de Merteuil. Cette femme du monde a été mariée très jeune et a perdu son mari très vite, un veuvage qui l’a laissée à la tête d’une véritable fortune. Libertine dans l’âme, elle a connu par la suite une foule d’aventures mais son intelligence et son ingéniosité lui ont pourtant permis de conserver une excellente réputation.
N’oublions pas qu’à l’époque, dans une société très patriarcale, les femmes peuvent vite se compromettre, se déshonorer, n’ayant alors d’autre choix que l’exil ou l’entrée au couvent.
Des risques que Mme de Merteuil n’envisage pas une seule seconde, ajoutant sans cesse de nouveaux amants à la longue liste de ses conquêtes… dont le vicomte de Valmont, un (autre) libertin notoire qu’elle avait visiblement réussi à dompter. Ou encore le comte de Gercourt, qui l’a quittée pour une autre.
De cet abandon, Mme de Merteuil a conservé une profonde rancœur et elle décide de se venger de Gercourt, avec la complicité du vicomte de Valmont. Elle a conservé avec lui une alchimie étonnante, fruit sans doute d’une complicité partagée et d’informations dont la diffusion pourrait les compromettre.
Pour cette femme qui ne manque pas d’idées et d’esprit, la vengeance est toute trouvée : le comte de Gercourt va bientôt épouser une toute jeune fille de 15 ans, Cécile de Volanges, que sa mère a retirée du couvent pour l’occasion. Mme de Merteuil confie à Valmont la mission de séduire la jeune femme et d’en faire une véritable libertine… afin que le comte de Gercourt n’épouse pas une vierge et s’en trouve déshonoré.
Valmont n’est pas du genre à reculer face à un tel défi, même s’il se montre initialement assez peu intéressé par une mission qu’il juge à la portée du premier venu. Comme Mme de Merteuil, il ne manque pas d’intelligence et a toutes les qualités d’un chasseur, qui n’abandonne pas avant d’avoir débusqué et capturé sa proie…
Et justement, Valmont ne perd pas de vue pour autant son intérêt personnel : il est attiré par une femme en apparence intouchable, la présidente de Tourvel, mariée, heureuse dans son couple et que l’on décrit comme une « dévote » profondément vertueuse. Plus l’obstacle est grand, plus il paraît attirant aux yeux de Valmont, qui se met en tête de séduire cette femme…
Grandeur et décadence
Avant d’être une histoire de jeux érotiques et d’initiation au libertinage, Les Liaisons Dangereuses sont surtout une grande fresque qui joue habilement avec la morale et la bienséance.
Mme de Merteuil exprime à elle seule une véritable rébellion contre une société qui ne traite pas les hommes comme elle traite les femmes. A eux l’on pardonne bien volontiers une réputation libertine tandis que l’on condamne les femmes au silence, à vivre dans la peur du scandale et à user de mille déploiements d’énergie pour s’en prémunir.
Sans époux, elle affiche un froid talent pour la manipulation. Est-ce un moyen de se divertir, une manière de donner un sens à sa vie, elle qui est veuve dans une société où l’on vit dans l’ombre de son mari ?
Toujours est-il qu’elle a appris la séduction et l’intrigue comme d’autres apprennent une langue étrangère. Elle connaît la portée d’un mot, d’un geste, d’un habit…
« Arrivée dans ce temple de l’amour, je choisis le déshabillé le plus galant. Celui-ci est délicieux, il est de mon invention : il ne laisse rien voir et pourtant fait tout deviner » (La marquise de Merteuil)
Elle possède une finesse d’analyse qui pourrait faire pâlir les plus fins stratèges :
« Il ne faut se permettre d’excès qu’avec les gens qu’on veut quitter bientôt. Il ne sait pas cela, lui ; mais pour son bonheur, je le sais pour deux ».
C’est ce qui rend Mme de Merteuil aussi fascinante que dangereuse… En tant que lectrice, elle m’a impressionnée par ses capacités d’anticipation et son talent à échafauder toutes les hypothèses. Elle m’a attristée par sa vie qui se résume à orchestrer celle des autres. Et elle m’a déplu en mettant son intelligence au service des pires trahisons et manipulations, en particulier celle qui implique la petite Cécile de Volanges, au départ si innocente.
La jeune fille est naïve comme on peut l’être à cet âge, accorde facilement sa confiance et se méfie peu. Une proie facile pour le diabolique tandem Merteuil/Valmont, à plus forte raison quand l’amour endort les soupçons de la jeune Cécile.
« L’amour, ah ! l’amour ! … Un mot, un regard, seulement de le savoir là, eh bien ! c’est le bonheur. Quand je vois Danceny, je ne désire plus rien ; quand je ne le vois pas, je ne désire que lui. Je ne sais comment cela se fait ; mais on dirait que tout ce qui me plaît lui ressemble.
Quand il n’est pas avec moi, j’y songe ; et quand je peux y songer tout à fait, sans distraction, quand je suis toute seule, par exemple, je suis encore heureuse ; je ferme les yeux et, tout de suite, je crois le voir ; je me rappelle ses discours et je crois l’entendre ; cela me fait soupirer ; et puis je sens un feu, une agitation… Je ne saurais tenir en place.
C’est comme un tourment, et ce tourment-là fait un plaisir inexprimable ».
Valmont, quant à lui, est précédé par une réputation de séducteur invétéré mais il parvient souvent à endormir ses victimes, comme le rappelle Mme de Volanges à la présidente de Tourvel dans un courrier. Valmont vient de se distinguer par un acte de générosité, une bonne action qui conduit la présidente de Tourvel à le percevoir sous un jour plus favorable :
« Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l’action de M. de Valmont, je veux croire qu’ils sont louables comme elle, mais en a-t-il moins passé sa vie à porter dans les familles le trouble, le déshonneur et le scandale ?
Écoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu’il a secouru, mais qu’elle ne vous empêche pas d’entendre les cris de cent victimes qu’il a immolées. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu’un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-même une liaison dangereuse ? »
Les Liaisons Dangereuses m’ont intriguée car dès les premières pages, j’ai voulu savoir ce qui finirait par arriver aux personnages : la débauche allait-elle finir par avoir raison de leur réputation ? Le sens moral allait-il triompher ?
Il faut reconnaître que l’histoire est bien écrite et surtout, qu’elle va bien au-delà d’une simple affaire de libertinage. L’intrigue montre toute la complexité des rapports humains : le désir de faire confiance, le pouvoir du sentiment amoureux, la blessure intime et profonde d’une trahison, la difficulté à se préserver des êtres toxiques (en particulier quand on est vulnérable ou que l’on n’a pas encore appris à les reconnaître).
J’ai trouvé au roman quelques longueurs, dans l’exploration qu’il mène des tourments intérieurs de certains personnages. Il n’en demeure pas moins marquant par sa capacité à être un véritable voyage au cœur du sentiment amoureux, dans ce qu’il peut avoir d’admirable et de détestable à la fois.
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