Minuit vingt – Résumé
20 ans après avoir créé un magazine en ligne innovant et populaire, trois amis se retrouvent dans la chaleur brûlante de Porto Allegre.
Ils se sont perdus de vue et c’est un événement tragique qui les place à nouveau face à face : la mort du quatrième membre de leur groupe autrefois inséparable, Andrei Dukelsky, devenu entre temps un écrivain à succès au Brésil. « Duc », comme on le surnomme, a été assassiné bêtement par quelqu’un qui voulait lui dérober son téléphone portable.
Son décès place ses anciens camarades face à leurs souvenirs… et à ce qu’ils sont devenus ; il les replonge dans l’atmosphère si particulière de la fin du millénaire, où Internet construisait pour eux un nouvel espace de liberté.
Auteur – Daniel Galera.
Taille du livre – 272 pages.
Note – ★★☆☆☆
Minuit vingt – Avis sur le livre
Né à la fin des années 70, il a passé la majeure partie de sa jeunesse à Porto Alegre. A partir de 1997, il se familiarise avec Internet et s’en sert rapidement pour publier des textes en ligne, une activité qu’il poursuivra jusqu’en 2001 en collaborant notamment de manière régulière au fanzine CardosOnline. C’est à sa fermeture qu’il fonde sa propre maison d’éditions et acquiert une popularité significative dans son pays.
Dans Minuit vingt, un homme a vécu la même histoire… mais cet homme est mort, une mort stupide, brutale, précoce, inattendue, pour une stupide histoire de vol de téléphone portable. Il s’appelait Andrei Dukelsky, on le surnommait « Duc ».
« Je redoutais de regarder de nouveau mon portable, vu qu’en le faisant j’aurais la confirmation qu’à peine quelques heures plus tôt, tout près d’ici, Andrei avait reçu une balle et était mort, à trente-six ans, ai-je calculé, me souvenant qu’il avait trois ans de plus que moi. La marche sur laquelle j’étais assise était jonchée d’allumettes brûlées.
L’idée qu’elles avaient pu être enflammées par le meurtrier d’Andrei, un drogué accro au crack prêt à tuer pour son prochain caillou, m’a procuré un frisson d’horreur suivi d’un haut-le-coeur. La sueur naissait derrière mes oreilles et dégoulinait le long de mon cou. Je me suis demandé ce qui était arrivé à la ville en mon absence, question absurde puisque quelques minutes plus tôt rien ne semblait lui être arrivé, c’était la même ville de toujours.
Je crois que c’est là, dans cette succession d’instants perplexes, que s’est ancrée en moi la conviction que nous vivions le prélude d’une catastrophe lente et irréversible ».
Avant de devenir un écrivain populaire en pleine ascension, Duc avait publié pendant plusieurs années au sein d’un fanzine, L’Orang-Outan, au sein duquel il collaborait avec plusieurs amis. A l’occasion de ses funérailles, les trois autres membres de leur quatuor se retrouvent… et replongent brutalement dans cette époque qu’ils ont traversée ensemble.
C’était la fin du millénaire, avec son lot de craintes et de superstitions sur ce que le passage à l’an 2000 allait bouleverser, révolutionner ou dérégler. C’était l’essor d’Internet, un champ de liberté formidable qui bruissait d’un appel à la liberté : les quatre jeunes y avaient répondu en écrivant, avec un certain succès.
Puis, comme souvent quand on devient adulte, chacun suit sa voie, les chemins autrefois parallèles partent vers des horizons différents, les singularités se creusent jusqu’à ce que l’on se perde de vue. Et l’on conserve cependant au creux de soi le souvenir des bons moments du passé.
Dans Minuit vingt, le passé est un réveil brutal, qui vient happer les trois anciens amis alors que Porto Alegre est écrasée par une chaleur caniculaire. Elle contribue à donner au roman une atmosphère lourde, épaisse de ressentis et de souvenirs.
Tour à tour, l’histoire prend vie sous la plume d’Antero, publicitaire créatif et fortuné… d’Aurora, la solitaire, qui prépare un doctorat de biologie sur la canne à sucre… et d’Emiliano, journaliste gay qui se voit proposer la mission d’écrire une biographie de Duc.
Je décrirais le livre de Daniel Galera comme une véritable errance existentielle des héros, qui semblent tous désabusés de la tournure prise par leur vie. Ils ont vécu des déconvenues, sont confrontés à des sujets difficiles : l’avortement, la solitude, le harcèlement sexuel, les soucis d’argent…
Naturellement, il s’en dégage une sorte de mélancolie lorsque l’on songe à l’époque où ils brillaient de créativité, d’idées, de cette fraîcheur d’étudiants qui n’avaient pas encore beaucoup vécu. Internet leur offrait un nouveau terrain de jeu plein d’opportunités, propice à toutes les audaces.
20 ans plus tard, la créativité s’est parfois pris quelques coups, de nouvelles questions ont émergé comme celle, si paradoxale, de la « vie privée en ligne »… et Duc est mort, rappelant que tout peut s’arrêter si vite, si tôt.
La plume de Daniel Galera capture ces émotions complexes avec beaucoup de justesse, dressant le portrait d’une génération meurtrie. Je ne suis pas étonnée que Minuit vingt ait un grand succès, tant critique que populaire.
Pour autant, je n’ai pas aimé ce livre. L’atmosphère de désillusion, l’errance qui s’en dégage. C’est une tranche de vie capturée avec brio mais qui est « simplement » une tranche de vie : on a simplement observé, le temps de quelques centaines de pages, des gens qui vivent un épisode formateur de leur existence… Et je crois que ce n’est pas ce que j’avais envie de lire en ce moment précis.
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