Petit pays – Résumé
En 1992, Gabriel vit au Burundi avec ses parents et sa petite soeur Ana : sa mère, Tutsi, vit ici depuis qu’elle a fui le Rwanda tandis que son père, français, est entrepreneur. Ils mènent une vie confortable et aisée, dans un petit pays aux mille parfums et aux mille couleurs.
Le quotidien de Gabriel se partage entre sa bande de copains, jamais à court d’idées pour s’occuper, se faire un peu d’argent ou imaginer des bêtises autour de l’impasse qui leur sert de quartier général. Une vie qui respire la liberté et l’innocence…
Mais peu à peu, la belle harmonie fait place à une angoisse sourde : des tensions apparaissent entre les parents de Gabriel tandis que dans le pays, d’inquiétantes rumeurs commencent à circuler : coup d’état, guerre civile, génocide… On attend de chacun qu’il choisisse son camp et la douceur de l’enfance s’efface peu à peu au profit du sang et du tumulte de l’histoire.
Auteur – Gaël Faye.
Taille du livre – 224 pages.
Note – ★★★★☆
Petit pays – Avis sur le livre
Gabriel, le héros, est à la croisée des chemins entre une multitude d’identités : la France, patrie de son père ; le Rwanda, patrie de sa mère ; le Burundi, sa patrie et leur terre d’adoption. Mais quelle importance un petit garçon de dix ans accorde-t-il à ces complexes notions d’ethnies, d’origines ? L’essentiel est ailleurs… pour l’instant.
Alors, à travers lui, Gaël Faye nous transporte dans un petit pays haut en couleur. On plonge dans toute la candeur, les rires et l’insouciance de l’enfance, autant que dans le quotidien d’un quartier plutôt favorisé du Burundi. Les mangues juteuses que les gamins chipent dans les arbres, le parfum des fleurs et de la citronnelle, les goyaviers, les jeux improvisés dans une nature généreuse…
En quelques phrases, nous y sommes, nous glissant par l’imagination dans les rues de ces villes où l’on peut « acheter des beignets à la banane et des cornets de termites frits ». Où, « sur la devanture des bouis-bouis étaient accrochés toutes sortes d’écriteaux fantasques : ‘Au Fouquet’s des Champs-Elysées’, ‘Snack-bar Giscard d’Estaing’, ‘Restaurant fête comme chez vous' ».
Tour à tour, on est surpris de la présence marquée des inégalités sociales (les expatriés, les « locaux », etc), on rit devant des scènes racontées avec cet humour rafraîchissant de l’enfance : la circoncision des jumeaux (amis fidèles de Gabriel !), dont la description est à mourir de rire et s’achève par la montée des prépuces « au paradis des bouts d’zizi ». Sans oublier les surnoms (qui n’a pas inventé des surnoms farfelus pendant l’enfance ?) et les descriptions, capturées avec ce sens de l’observation impardonnable de la jeunesse :
« Il se brossait les poils des avant-bras dans un sens précis. Il avait une calvitie de moine qu’il dissimulait en rabattant les cheveux du côté par-dessus la tonsure. […] Dans le quartier, son surnom c’était Kodak, non pas à cause de sa passion pour la photographie, mais parce qu’il avait des tonnes de pellicules dans ses cheveux gras ».
Et puis, un jour, le climat change. Tout commence par un silence assourdissant, un matin, comme ça. Aucun piéton, aucune voiture dans la rue, les employés de maison qui n’arrivent pas au travail comme prévu… Un air de musique classique qui flotte dans l’air. Et on comprend quand Gaël Faye écrit : « Plus tard, j’ai appris que c’était une tradition de passer de la musique classique à la radio quand il y avait un coup d’Etat ».
Le Burundi entre dans une période trouble, dont la violence peut difficilement être mise en mots. Pourtant, sous la plume de Gaël Faye, par des scènes tragiques, on perçoit un tout petit peu de cette horreur qui inonde le pays. Le génocide rwandais, si proche, vient heurter Gabriel de plein fouet. Lui qui voulait rester à l’écart de ces histoires d’adultes s’y retrouve mêlé.
« J’ai découvert l’antagonisme hutu et tutsi, infranchissable ligne de démarcation qui obligeait chacun à être d’un camp ou d’un autre. Ce camp, tel un prénom qu’on attribue à un enfant, on naissait avec, et il nous poursuivait à jamais. Hutu ou tutsi. C’était soit l’un soit l’autre. Pile ou face. Comme un aveugle qui recouvre la vue, j’ai alors commencé à comprendre les gestes et les regards, les non-dits et les manières qui m’échappaient depuis toujours.
La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais ».
C’est tragique et sublime à la fois. Petit pays résonne d’une émotion puissante et sincère, bouleversante. Gaël Faye, lui-même né à Bujumbura au Burundi d’une mère rwandaise et d’un père français, a sans doute nourri son roman d’une foule de sensations et d’images qui ont marqué sa jeunesse. Et l’on retrouve la profonde honnêteté de ce parfum d’enfance.
A mettre entre toutes les mains !
Notez aussi que cette histoire touchante a inspiré un film, réalisé par Eric Barbier, avec Jean-Paul Rouve, Djibril Vancoppenolle, Isabelle Kabano et Delya De Médina (sortie cinéma : le 18 mars 2020). Vous pouvez découvrir ici la bande-annonce :
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