Petite fille, le documentaire de Sébastien Lifshitz sur la transidentité


Petite fille – Résumé

A 7 ans et depuis déjà 4 ans, Sasha, née dans un corps de garçon, se sent fille. Après avoir brièvement cru qu’il s’agissait d’une passade, dans ces moments de l’enfance où l’on découvre la différence entre les sexes, ses parents ont vite compris que c’était plus profond.

Sasha souffre de ce que l’on appelle la « dysphorie de genre », un décalage entre le sexe physique, celui qu’on « reçoit » à la naissance… et l’identité de genre, c’est-à-dire ce que l’on se sent être (garçon, fille…).

Le documentaire de Sébastien Lifshitz se fait témoin de sa détresse, mais aussi du combat de ses parents pour que leur enfant puisse exister comme il souhaite le faire.


RéalisateurSébastien Lifshitz.
Durée du film minutes.
Note – ★★★★★

Petite fille, Sébastien Lifshitz

Petite fille – Critique

On minimise souvent les maux des enfants, en particulier lorsqu’ils touchent aux ressentis. Parfois, les adultes rient d’un enfant qui a un « chagrin d’amour » à un jeune âge, minimisent la douleur d’une amitié brisée. C’est, sans doute, l’héritage d’une longue période où l’enfant n’était pas vraiment considéré…

Mais que faire quand son enfant fait part d’une douleur intime, déroutante pour un parent : l’impression d’être né dans le mauvais corps ? Être un petit garçon physiquement mais avoir le sentiment d’être une fille… ou vice versa ?

Faut-il y voir une passade, un « flou » de l’identité de genre à un âge où les enfants découvrent la différence entre les sexes ? Une différence physique mais aussi une différence ressentie et façonnée par la société dans laquelle on vit : les jeux à l’école, la couleur qui, trop souvent encore, différencie les affaires de garçon des affaires de fille…

Faut-il y lire un malaise plus profond, un véritable trouble de l’identité de genre que l’on appelle communément « la transidentité » et plus sérieusement la « dysphorie de genre » ?

Sasha, la petite fille filmée avec pudeur et délicatesse par Sébastien Lifshitz, est dans ce cas. Rapidement, ses parents et ses frères et soeurs ont compris que malgré son corps de garçon, Sasha était une fille. Sasha ne joue pas à être une fille. Sasha ne fait pas un caprice. Sasha n’est pas influencée par ses parents. Sasha n’est pas « comme ça » parce que sa mère a désiré une fille pendant sa grossesse.

« J’osais pas trop en parler au départ. Je ne savais pas ce qui se passait, je découvrais, moi aussi. Mais je pense que vraiment, la chose qui m’a le plus marquée… Sasha avait 4 ans et me disait encore ‘Maman, quand je serai grand, je serai une fille’. Je lui ai dit : ‘Mais non, Sasha, tu ne seras jamais une fille’.

Et là Sasha s’est mise à pleurer. Mais c’était pas… c’était un vrai pleur de douleur. C’était vraiment le pleur de… Je venais de foutre sa vie en l’air, je venais de briser tous ses rêves en disant ça. On reconnaît les pleurs de douleur de nos enfants. Et je me suis dit ‘Mais qu’est-ce que t’as dit, là ?' ».

Petite fille fait parler Sasha, par la parole mais surtout par des images tirées de son quotidien, qui saisissent ces instants d’entre deux où Sasha est fille dans un monde qui la regarde encore trop souvent comme un garçon : à l’école, au cours de danse, quand elle choisit ses habits…

Sébastien Lifshitz laisse parler, sans jugement, les parents. Ils font preuve d’une infinie humanité et acceptation ce qui, hélas, n’est pas le cas dans toutes les familles.

Le père glisse que sa priorité est de voir son enfant heureux, et non de rester focalisé sur le fait de savoir si son enfant est une fille ou un garçon. La mère laisse beaucoup Sasha verbaliser ce qu’elle ressent, tout en éprouvant une intense culpabilité qu’elle analyse avec beaucoup de finesse : elle explique qu’en tant que maman, étant celle qui porte l’enfant dans son ventre, on se sent toujours responsable de ce qui arrive. Est-ce parce qu’on a pensé ceci ou cela, parce qu’on a fait (ou pas fait) ceci ou cela qu’on a un enfant « différent » des autres ?

La psychiatre spécialisée dans la dysphorie de genre avec laquelle ils débutent un accompagnement se montre très déculpabilisante. « Le pourquoi, on ne le connaît pas. Les choses sont comme ça », explique-t-elle.

Et parce qu’elles sont comme ça, il faut faire en sorte que Sasha puisse vivre autant en paix que possible dans le monde qui est le sien. Dans sa famille, mais aussi en-dehors.

On mesure la détresse de sa maman, face à l’Éducation Nationale qui refuse tout simplement d’admettre que Sasha vive en tant que fille, soit présentée en tant que fille à l’école. Un directeur, des enseignants qui, sans doute par méconnaissance du sujet, en ont peur, prennent peut-être cela comme une simple lubie.

La mère raconte ce sentiment de déchirement à l’idée que Sasha passe à côté de son enfance. Elle ne choisit pas le cartable qu’elle veut, la trousse qu’elle veut, les vêtements qu’elle veut, déjà bien consciente à son jeune âge que c’est sujet à controverse. Sasha n’est pas totalement acceptée par les filles qui voient en elle un garçon, et est exclue par les garçons qui la trouvent trop fille.

Elle a des copines, tout de même… et les copines passent sans peine aux pronoms féminins, ce qui rappelle subtilement que les adultes font souvent grand cas de ce qui paraît très naturel à un enfant. Au fond, à cet âge, ce sont les adultes qui en font un « problème », qui en font quelque chose de très compliqué.

Petite fille, Sébastien Lifshitz

On ressent chez Sasha beaucoup de sensibilité et de douceur. Quand Sébastien Lifshitz la capture, rêveuse, derrière les barreaux de son lit à la fin du documentaire, c’est une belle métaphore de ce douloureux chemin, à la fois prison et libération.

On se doute que la « happy end » d’un enfant qui serait tout simplement accepté comme il est n’en est pas vraiment une. Sasha va devoir suivre un long parcours médical et psychologique, pour bloquer la puberté. Sasha devra vivre avec des traitements hormonaux, des opérations si elle le désire, des démarches administratives afin de faire concorder son identité de genre avec son apparence physique.

Sasha devra faire tomber des barrières, des préjugés. Il y aura des renoncements, aussi, parce que la science n’a pas encore de réponse à tous les défis : Sasha ne pourra pas porter d’enfant, par exemple.

Mais au-delà de ces obstacles, Sasha pourra sûrement être heureuse. Elle a la chance de grandir dans une famille qui ne la juge pas, qui l’entoure, qui la soutient. C’est une fille et une soeur dans ce cocon protecteur. De bonnes fondations pour un avenir où, enfin, la question du genre deviendra moins centrale dans sa vie.

Un superbe documentaire à découvrir !


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