La Princesse de Clèves – Résumé
En 1558, à la cour du roi Henri II, la jeune Mlle de Chartres âgée de 16 ans est en âge de se marier. Jolie, pleine de grâce, elle a été élevée par sa mère dans un esprit de vertu qui l’a rendue modeste et honnête.
M. de Clèves tombe éperdument amoureux d’elle et leur entourage consent à ce mariage. Si la princesse est heureuse d’avoir trouvé un homme qui l’aime tendrement et lui vous une profonde admiration, elle ne ressent pas pour lui de passion.
Mais peu après leur union, la princesse de Clèves rencontre lors d’un bal le duc de Nemours. Tous deux ressentent aussitôt un trouble intense et la jeune femme réalise qu’elle va devoir vivre avec le désir qu’elle ressent pour le duc sans pouvoir l’assumer au grand jour…
Auteur – Madame de La Fayette.
Taille du livre – 256 pages.
Note – ★★★★☆
La Princesse de Clèves – Critique
La Princesse de Clèves parle pourtant de thèmes plutôt intemporels : le fait de tomber amoureux d’une personne sans pouvoir concrétiser cet amour. Ça peut arriver à tout le monde, à toutes les époques, dans tous les milieux sociaux. On peut vivre un amour impossible à cause d’une différence d’âge, d’une différence de culture, d’une différence d’éducation, d’une situation familiale particulière ou même à cause de sentiments qui ne sont pas partagés.
Dans le roman de Madame de La Fayette, il est question d’une jeune femme qui éprouve ce que l’on pourrait qualifier de coup de foudre pour un homme. Problème : elle est déjà mariée à un autre. À notre époque, face à une passion d’une telle violence et une telle beauté, Madame déciderait peut-être de divorcer de son mari pour vivre l’histoire d’amour digne d’un conte de fées qui lui tend les bras.
Mais La Princesse de Clèves est un roman publié en 1678, qui raconte une histoire dont l’action a lieu au XVIe siècle… alors autant vous dire que la situation et les possibilités étaient bien différentes à l’époque !
Impossible pour une femme de quitter son mari sans risquer un déshonneur profond et irréversible. Difficile de le tromper quand on a été élevée dans une vertu incommensurable, quand on a pour lui un respect profond et que l’on ne veut pas risquer de ternir à jamais sa réputation.
Alors il faut supporter l’idée de vivre dans un terrible déchirement entre l’amour que l’on ressent et l’impossibilité de le vivre au grand jour.
Bien entendu, pour comprendre et pour apprécier ce roman, il faut se plonger dans son style et dans une époque révolue. On ne s’exprimait pas de la même manière, on ne séduisait pas de la même manière… même si, au fond, beaucoup de choses ressemblent à ce qu’elles sont aujourd’hui.
Mme de Clèves entendoit aisément la part qu’elle avoit à ces paroles. Il lui sembloit qu’elle devoit y répondre et ne les pas souffrir. Il lui sembloit aussi qu’elle ne devoit pas les entendre, ni témoigner qu’elle les prît pour elle : elle croyoit devoir parler, et croyoit ne devoir rien dire.
Ce court passage du livre, que j’ai beaucoup aimé, vous montre à la fois le style de l’époque (les « o » remplaçant les « a » dans les verbes, etc) et la terrible indécision d’une femme amoureuse qui ne sait pas comment réagir.
La Princesse de Clèves a été publié en pleine époque de la préciosité. C’est une époque où la grande mode était aux salons littéraires animés par une femme noble, qui rassemblait autour d’elle ses amies dans un cadre intimiste (la chambre, etc) pour échanger autour de la littérature ou écrire ensemble.
Ces échanges ne se déroulaient pas n’importe comment : les femmes cherchaient véritablement à sublimer la langue française en évitant d’employer un vocabulaire de bas étage, celui du petit peuple, au profit de mots recherchés, d’expressions raffinées et de tournures de phrases subtiles. On recherchait le beau, la grâce et l’élégance dans l’expression et le comportement.
Les yeux sont le miroir de l’âme… Les mots me manquent… Il perd son sérieux… Autant d’expressions que l’on utilise encore aujourd’hui et qui sont issues de cette époque.
Madame de La Fayette animait l’un de ces salons, tout comme Madeleine de Scudéry qui a signé elle aussi de nombreuses œuvres littéraires. Madame de La Fayette a d’ailleurs fréquenté dans sa jeunesse le salon de Mme de Scudéry et elle a sans aucun doute été influencée par ce contexte.
La marque la plus importante de cette influence et sans doute le thème du roman : l’amour. C’est le sujet qui passionnait les précieuses, qui cherchaient à la fois en donner une définition et à apporter une réponse à toutes les situations complexes (et tous les dilemmes) que l’amour suscite. Dans La Princesse de Clèves, il n’est pas seulement question de l’amour impossible entre la princesse et M. de Nemours. L’auteur explore aussi la place du mari : faut-il lui révéler les sentiments qu’on a pour un autre homme ? Que ressent le mari quand il apprend que sa femme en aime un autre ?
Au fil du roman, les péripéties s’enchaînent car tout se joue à la cour du roi où les personnes de noble naissance se croisent sans cesse lors de bals, de mariages et autres événements festifs. On se rend visite à tout bout de champ si bien que Madame de Clèves voit régulièrement le duc de Nemours. Ça entretient non seulement la passion mais ça permet aussi à Madame de La Fayette de nous raconter d’autres petites histoires d’amour savoureuses ou dramatiques qui approfondissent l’approche que l’on a du sujet : le mari en deuil qui réalise que sa femme aimait un autre homme plus que lui, etc.
On retrouve aussi le côté pur et invraisemblable de l’amour précieux : c’est un amour bienséant, respectueux des convenances mais qui n’empêche pas la survenue de multiples péripéties que l’on qualifierait parfois de « peu crédibles ». Le roman avait été âprement critiqué par Bussy-Rabutin de l’Académie française lors de sa publication (anonyme), précisément à cause de ces éléments jugés peu vraisemblables.
La première aventure des jardins de Coulommiers n’est pas vraisemblable, et sent le roman. C’est une grande justesse que la première fois que la princesse fait à son mari l’aveu de sa passion pour un autre, M. de Nemours soit, à point nommé, derrière une palissade d’où il l’entend. […]
Cela sent encore bien le roman de faire parler les gens tout seuls, car, outre que ce n’est pas l’usage de se parler à soi-même, c’est qu’on ne pourroit savoir ce qu’une personne se seroit dit, à moins qu’elle n’eut écrit son histoire.
La princesse de Clèves a, malgré ses détracteurs, eu un énorme succès lors de sa parution. C’est un roman qui annonce déjà la période littéraire suivante, le classicisme. Une certaine forme de simplicité, la force de la bienséance et le personnage même de Madame de Clèves avec sa modestie, sa droiture et son raffinement, préfigurent l’idéal moral qui sera développé dans les romans classiques.
Ce que je trouve assez fascinant quand on lit ce genre d’histoire aujourd’hui, c’est de voir le nombre d’éléments que l’on pourrait analyser, commenter, décrypter… par rapport aux romans d’aujourd’hui qui semblent souvent bien plus simples.
Bref, découvrez La Princesse de Clèves et si la lecture ne vous tente pas, sachez qu’il existe une très bonne adaptation au cinéma !
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Je suis tout à fait d’accord avec ta critique ! J’ai relu avec un plaisir immense ce chef d’oeuvre il y a 2-3 ans et non seulement il est magnifiquement écrit, mais il traite de sujets intemporels et ouvre la voie au roman psychologique. Ce qui peut nous sembler lointain, c’est le dilemme entre la raison et les sentiments dans la dernière partie de l’oeuvre : la vertu seule est un obstacle à son amour (mais n’oublions pas que l’auteure est une janséniste pure et dure ;) ) Tu as eu le courage de lire ce roman dans une version un peu ancienne, je l’ai lu avec l’orthographe modernisée, c’est plus facile ;)
Je ne savais même pas qu’il existait une édition « modernisée » à vrai dire ! J’ai pris celle qui s’est présentée et ça ne m’a pas dérangée plus que ça, ça souligne d’ailleurs d’autant plus le côté très intemporel de l’histoire par rapport à celui, moins intemporel, de la langue française d’une époque :)