Psychose – Résumé
Marion Crane (Janet Leigh) est employée dans une agence immobilière et entretient une relation clandestine avec un homme endetté, Sam Loomis. Un vendredi après-midi, un client de l’agence apporte la somme de 40 000 dollars en liquide, issue de la vente d’une propriété. Le patron charge Marion d’aller porter l’argent à la banque avant de rentrer chez elle pour le week-end.
Mais sur un coup de tête, la jeune femme décide d’empocher le pactole et prend aussitôt la route. Très stressée, elle s’efforce de s’éloigner au plus vite de Phoenix, terrifiée à l’idée d’être rattrapée par la police. Elle passe ainsi la première nuit dans sa voiture et est justement réveillée par un shérif.
L’homme se contente de contrôler ses papiers mais la peur s’est insinuée dans l’esprit de Marion et le lendemain soir, alors qu’une pluie battante l’empêche de distinguer la route, elle décide de faire étape dans le premier motel qu’elle croise : le Bates Motel.
L’endroit, désert, est tenu par un jeune homme charmant et amical, Norman Bates (Anthony Perkins). Il invite Marion à partager son dîner et, ce faisant, lui raconte d’un ton désemparé qu’il doit s’occuper de sa mère tout en gérant l’hôtel. La pauvre femme a perdu la tête suite au décès de son compagnon et, bien que paraissant très seul, Norman ne peut se résoudre à la faire interner dans un asile. Mais le Bates Motel est loin d’avoir livré tous ses secrets…
Réalisateur – Alfred Hitchcock.
Durée du film – minutes.
Note – ★★★★★
Psychose – Critique
Mais pourquoi est-ce si diablement efficace ? Pourquoi ce film vous glace-t-il le sang même lorsque l’on vous a déjà raconté ses scènes les plus mythiques ?
Il y a d’abord Marion Crane. Marion n’est pas une héroïne. Elle n’est pas extraordinaire ou admirable. C’est une employée de bureau ordinaire menant une vie ordinaire dont le seul piquant est la relation secrète qu’elle entretient avec un homme divorcé.
Ce vendredi là, quand elle décide d’empocher les 40 000 dollars de son patron et de prendre la fuite, Marion ne nous apparaît pas comme une criminelle. Elle nous apparaît comme une femme amoureuse en proie à un « coup de folie » et au rêve innocent de pouvoir enfin éponger les dettes de son amant et vivre leur histoire au grand jour.
On ne voit pas Marion comme une voleuse en fuite mais plutôt comme une « femme qui a fait une bêtise » et doit maintenant en assumer les conséquences, à commencer par la peur qui lui tenaille les entrailles à l’idée d’être arrêtée. Car elle a bien conscience de sa faute. Lorsqu’elle croise la route d’un policier, elle se comporte comme une enfant dont le forfait est écrit sur le visage. Elle bafouille, se justifie au point que l’homme, qui n’avait aucune raison apparente de la trouver suspecte, se met à s’intéresser à elle.
Marion nous entraîne peu à peu dans ses angoisses, qui atteignent un point culminant lorsque la nuit tombe et que la pluie battante la contraint à s’arrêter. Le gérant du motel qui la reçoit, Norman Bates, nous semble alors être le baume qui apaise la tension. Beau garçon, aimable, il éveille en nous un mélange de compassion et de pitié. Il réveille la mère qui sommeille en chaque femme.
Bates dégage une certaine immaturité affective. Il paraît impressionné par Marion, très isolé si ce n’est sa mère dont il a la charge. Sa passion pour la taxidermie paraît certes un peu étonnante mais il faut avouer que le pauvre homme est bien désœuvré. Son père a quitté le foyer et sa mère a refait sa vie avec un homme qui a fait construire le Bates Motel, avant de mourir dans des circonstances affreuses. La mère a perdu la raison et Norman se sent obligé de veiller sur elle et de conserver l’hôtel.
A cet instant, je crois qu’on se reconnaît tous un peu en lui. Qui n’a pas un jour été dans une situation où l’on se sent obligé de rester « par la force des choses » ?
La discussion entre lui et Marion témoigne d’une finesse scénaristique hors du commun. Chacun raconte sa propre histoire et, ce faisant, les phrases prononcées par l’un trouvent un étrange écho dans l’histoire de l’autre. « Chacun se débat dans son propre piège », « On perd tous un peu la tête parfois ». La vie inflige à chacun ses coups et blessures et entre la folie et le coup de folie, il n’y a qu’un pas. Les propos de Norman Bates font leur chemin dans la tête de Marion, qui prend ce soir là la ferme résolution de rentrer à Phoenix dès le lendemain et de mettre un terme à son « coup de folie ».
Mais évidemment, c’est un film d’Alfred Hitchcock. On ne s’attache à Marion que parce que l’on comprend sa détresse, ce remords de jeune femme innocente qui a brièvement perdu la tête. Alors il faut à tout prix empêcher Marion de quitter le stade du repentir.
Psychose est un film qui, à l’instar de ce début d’histoire, joue sur la psychologie plus que sur la violence. Il a été tourné avec un petit budget, en noir et blanc et la sobriété du décor donne d’autant plus de force aux personnages. Dans n’importe quel film, on a tendance à s’identifier au héros ou à l’opprimé et à espérer la chute du méchant ou de l’oppresseur. Ici, on se surprend à comprendre chaque personnage.
On se surprend à vouloir plus que tout que la maudite voiture de l’une des scènes plonge pour de bon dans les eaux noires de la mare, engloutissant avec elle ses secrets. On se surprend à plaindre Norman, en proie à la tyrannie d’une vieille dame castratrice. Et à force de se surprendre, on finit surpris par les péripéties qui surviennent.
Comme si l’on réalisait au fil de l’intrigue qu’Alfred Hitchcock ne se contente pas de nous « raconter une histoire ». Il glisse des éléments dans lesquels chacun peut retrouver des fragments de sa propre histoire. Et finalement, nous passons sur le divan du psy en tant que spectateurs autant que nous analysons la psychologie des héros eux-mêmes.
Cette notion de « participation » à l’histoire apparaît aussi, je trouve, dans la manière de filmer. Les plans sont plus souvent indirects que frontaux : une fenêtre entrouverte, une silhouette qui se profile, l’eau qui tombe en pluie du pommeau de la douche et tourbillonne vers le siphon, la demeure de Mme Bates qu’on ne découvre que par fragments (les extérieurs, l’escalier) et où les scènes se jouent souvent derrière des portes closes. On voit sans voir. On entre dans l’intimité des personnages tout en ayant ce côté voyeur du spectateur.
L’interprétation est brillante, tant de la part de Janet Leigh (Marion) que d’Anthony Perkins (Norman Bates). Pour accentuer le côté immature de ce dernier, Hitchcock a paraît-il lors du montage sonore du film retiré les fréquences les plus basses de sa voix sur certaines scènes, pour la rendre plus aiguë.
Mais il y a dans ce film d’autres personnages dont je voudrais dire quelques mots. Il y a d’abord cette maison où vit Mme Bates. Une maison que les visiteurs de Disneyland Paris reconnaîtront sans peine puisque l’attraction « Phantom Manor » du parc ressemble étrangement à la maison du film Psychose. Apparemment, Walt Disney était à la recherche d’un concept d’architecture de maison hantée qui sorte de la représentation classique de la maison en ruines. Il a élaboré les plans de ce manoir d’inspiration victorienne – parmi d’autres études architecturales – et c’est Hitchcock qui, avec son accord, s’en serait inspiré pour son film.
Bien entendu, d’autres versions de l’histoire circulent et il est difficile face à une propriété aussi mythique de savoir qui s’est inspiré de qui et comment les choses se sont mises en place.
A l’instar de bien des plans dans le film, la maison n’est pas montrée de manière frontale mais toujours en plongée ou en contre-plongée. On souligne ainsi tour à tour sa dimension inquiétante, l’emprise dont sont victimes ceux qui y pénètrent (Norman soumis à l’emprise de sa mère par exemple) mais aussi la menace qui peut y planer (Norman transportant sa mère et descendant l’escalier). La symbolique même de la maison pourrait donner lieu à des heures d’analyse !
Et que dire de la musique, elle aussi un personnage à part entière du film ? On oublie vite ce détail mais il y a finalement dans Psychose assez peu de dialogues. De longues scènes se déroulent sans paroles et si on l’occulte si volontiers, c’est avant tout parce que la musique – signée Bernard Hermann – habille le film avec la dextérité d’un grand couturier.
Anecdote amusante : lorsque Hitchcock a soumis le film au comité de censure britannique devant lui donner une autorisation de diffusion, ladite autorisation lui a d’abord été refusée. C’est seulement en modifiant la partition de la fameuse « scène de la douche » qu’il a pu faire accepter le film. Preuve, s’il en est, du rôle capital joué par la partition dans l’histoire.
Psychose est un film qu’on peut voir et revoir cent fois en continuant à y repérer des détails, à échafauder des théories. C’est un film d’une richesse inouïe, qui se prête à toutes les analyses, à tous les niveaux de compréhension. Un chef d’oeuvre à ne pas rater !
Les commentaires du blog sont actuellement fermés.