Le retour – Résumé
Au cœur de la Russie, deux enfants ont grandi sans leur père, parti depuis 12 ans. Ils se sont accoutumés à cette absence. Mais un jour, en rentrant chez eux, ils apprennent que cet homme inconnu est revenu dans leur vie.
Andrey, l’aîné, a quelques souvenirs de ce père absent et semble désireux de retisser un lien avec lui. Pour Ivan, le plus jeune, les choses sont bien différentes : à ses yeux, Otets est un étranger qui l’a abandonné et dont il se méfie plus que tout.
Le père propose de les emmener quelques jours avec lui pour pêcher et, qui sait, essayer de reconstruire une relation filiale. Mais le défi est colossal et rapidement, un véritable jeu de forces s’installe entre les deux frères et Otets…
Réalisateur – Andreï Zviaguintsev.
Durée du film – minutes.
Note – ★★★★☆
Le retour, Andrey Zvyagintsev – Critique
Ce qui interpelle d’abord dans ce film, c’est l’omniprésence de l’absence et du vide. Paradoxal, non ? Toutes les scènes semblent se dérouler dans des environnements dépouillés, où il n’y a pas âme qui vive en dehors des protagonistes et de quelques rares exceptions… c’est d’abord cette longue digue déserte sur laquelle Andrey et son petit frère Ivan ont pris l’habitude de jouer ; c’est ensuite la cour vide de cette maison où ils habitent ; les rues presque désertes des villages qu’ils traversent avec leur père ; et que dire de cette île où l’homme décide de les emmener pêcher, loin de tout ?
L’ensemble des décors semble baigné de la même tonalité morne et désolée qui ne fait qu’accentuer et souligner la complexité des sentiments qui agitent la famille.
Les deux enfants ont grandi avec leur mère, en ayant pour seule présence paternelle une vieille photographie de leur famille heureuse. Ils se sont construits avec cette absence et sont semblables à mille autres gosses de cet âge, entre chamailleries et provocations fraternelles. Imaginez leur étonnement quand un jour, en revenant de leurs jeux, ils apprennent que leur père est de retour.
L’homme qu’ils découvrent, endormi sur le lit parental, est pour eux un étranger. Pourquoi est-il parti ? Qu’est-ce qu’un père ? Quel rôle aurait-il joué auprès d’eux s’il était resté ? Les questions sont nombreuses et Otets – le père, interprété par Konstantin Lavronenko – va devoir apprivoiser sa nouvelle fonction tout comme ses fils vont devoir apprendre à composer avec sa présence.
C’est là qu’un premier fossé commence à se creuser entre les deux frères : Andrey (Vladimir Garin) accueille Otets comme si son retour était, somme toute, quelque chose de très naturel. Il met peu de temps à l’appeler « Papa » et semble voir dans sa présence une occasion de construire son identité d’homme aux côtés d’un modèle.
Pour Ivan, le chemin s’annonce plus difficile : l’enfant ne conçoit pas que l’on puisse appeler « Papa » cet être qui refait surface sans la moindre explication, sans justifier ses années de silence et qui se comporte comme si de rien n’était. L’enfant plonge dans un mutisme et une rébellion d’une force admirable, avec une prestation d’acteur impressionnante de la part du jeune Ivan Dobronravov qui m’a beaucoup fait penser au petit Haley Joel Osment.
La tension est si marquée que l’on pressent tout au long de l’intrigue qu’une tragédie peut survenir à n’importe quel moment. Car Otets est un homme dur. Non seulement il estime ne devoir aucune explication à ses enfants mais en plus, il teste son autorité parentale avec une certaine violence. Ça commence tout doucement par des attitudes qui pourraient être celles de n’importe quel parent, comme le célèbre « finis ton assiette sinon tu n’auras rien à manger d’ici ce soir »… et ça évolue rapidement vers des punitions plus marquantes, comme le fait de laisser son jeune fils tout seul dans une région désertique sous une pluie torrentielle.
Les deux enfants, qui étaient partis avec leur père pour une escapade de quelques jours afin de pêcher, se retrouvent vite au centre d’une expérience initiatique qui va mettre à l’épreuve leurs relations et leur maturité sur l’île déserte où Otets a décidé de les conduire.
L’un des acteurs a connu une fin tragique (et qui l’est encore plus quand on a vu la scène d’ouverture du film Le retour) : on y voit les deux frères entourés de quelques garçons, qui se mettent au défi de plonger dans un lac depuis une tour branlante située au bout d’une digue.
Il se trouve que peu après la fin du tournage, Vladimir Garin, l’interprète d’Andrey, est allé naviguer sur un lac comme celui-ci, le lac Ossinovetskoïe près de Saint-Pétersbourg. Son bateau pneumatique s’est retourné et, victime de crampes et sans doute happé par les courants glacés du lac, il s’est noyé. Il avait seulement 15 ans et est mort avant même de connaître le triomphe du film au Festival international du film de Venise.
Le retour est un film à l’esthétique dépouillée et travaillée à la fois, servi par une interprétation forte et une intrigue qui explore avec finesse des dynamiques familiales complexes. Une découverte intéressante !
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