Robinson Crusoé de Daniel Defoe – Un roman mythique… et dérangeant


Robinson Crusoé – Résumé

En 1651, Robinson Crusoé, un Anglais de 19 ans installé à York, embarque sur un navire contre l’avis de ses parents pour partir sur les mers. Pendant huit ans, il doit se confronter au caractère irraisonné (et déraisonnable) de sa décision, qui le place face à de multiples difficultés… dont une capture par des pirates.

Mais c’est en 1659 que le jeune Robinson va véritablement prendre conscience du destin qui l’attend : délaissant sa vie rangée de propriétaire de plantation au Brésil pour aller chercher des esclaves, il se retrouve pris dans une tempête et son bateau fait naufrage.

Seul rescapé de l’équipage, il trouve refuge sur une île isolée. C’est là qu’il va devoir survivre, avec pour seul soutien les quelques armes et outils récupérés dans la carcasse échouée du bateau… Là, sur cette île où tout lui semble hostile et où des cannibales viennent régulièrement faire des festins sur la plage…


Auteur.
Taille du livre654 pages.
Note – ★★★☆☆

Robinson Crusoé de Daniel Defoe

Robinson Crusoé – Critique

J’avais lu Robinson Crusoé quand j’étais enfant car il existe de cette histoire, publiée en 1719 par Daniel Defoe, de multiples versions dont certaines sont adaptées à un jeune public.

J’en avais gardé le souvenir d’une île déserte où Robinson devait organiser sa survie, d’une incroyable cabane créée à partir des ressources dénichées sur place… De quoi stimuler l’esprit aventurier d’un enfant ! En relisant ce livre à l’âge adulte, j’ai pourtant eu un regard très différent sur le roman, que j’ai trouvé à certains égards dérangeant.

Mais reprenons au début. Le héros, Robinson Crusoé, est un jeune Anglais écervelé. A 19 ans, il a la bougeotte et ne pense qu’à fuir la monotonie de sa vie familiale, la tête remplie « de pensées vagabondes » comme il l’explique lui-même dans ce récit écrit à la première personne. Evidemment, ses parents l’incitent à garder la tête froide mais il se moque bien de leurs conseils et décide de partir sur les mers…

Rapidement, il se confronte à des difficultés, comme si le destin lui faisait payer les conséquences de sa décision et le fait de ne pas avoir écouté ses parents, plus expérimentés. Il échappe de peu à un premier naufrage, se fait capturer par des pirates dont il devient l’esclave et parvient enfin à s’enfuir et à trouver au Brésil une certaine stabilité en créant sur place une plantation.

Mais voilà, Robinson Crusoé est incapable de rester en place, comme si la perspective de ne plus bouger d’un endroit l’enfermait dans une prison insurmontable. Il rêve sans cesse au prochain départ et quand l’occasion se présente d’aller mener une expédition en mer pour ramener des esclaves et les faire travailler dans les plantations, il se porte volontaire.

Le destin, qui ne lui avait guère porté chance, ne va pas se montrer plus clément et le bateau fait naufrage. Robinson Crusoé, 28 ans, se retrouve jeté sur une île déserte. Comment espérer du secours quand on est loin de toute terre habitée par une civilisation connue ? Comment espérer survivre quand on surprend des cannibales en plein festin à la pointe de l’île ? Comment organiser son quotidien à partir des quelques armes, outils et vivres sauvés du bateau naufragé ?

Robinson Crusoé, qui a tenu un journal durant tout son parcours sur l’île, raconte comment il s’est façonné un environnement agréable pour supporter son isolement… Il décrit les étapes psychologiques traversées, depuis l’abattement des débuts jusqu’à une réflexion spirituelle profonde sur la cause de ses malheurs et l’espoir d’une rédemption.

Le livre le suit ainsi dans tous les temps forts de son existence, comme sa rencontre avec Vendredi, l’homme sauvage qui deviendra son serviteur dévoué.

Robinson Crusoé de Daniel Defoe

C’est un livre assez fascinant car Robinson Crusoé tient à la fois du roman d’aventures, chargé en péripéties, et d’un roman bien plus psychologique et spirituel qui évoque le rôle de Dieu, la notion de hasard et de prédestination…

Robinson nourrit par exemple de nombreuses réflexions sur les ressources dont il dispose et les dangers de la surconsommation et des excès, une préoccupation qui reste finalement très actuelle :

« En un mot, la nature et l’expérience m’apprirent, après mûre réflexion, que toutes les bonnes choses de l’univers ne sont bonnes pour nous que suivant l’usage que nous en faisons, et qu’on n’en jouit qu’autant qu’on s’en sert ou qu’on les amasse pour les donner aux autres, et pas plus ».

C’est justement là que j’ai trouvé le livre dérangeant. Je ne peux pas vraiment en faire le reproche à Daniel Defoe car Robinson Crusoé a été publié en 1719, une époque où la vision du monde était bien différente, où « l’étranger » était plus souvent perçu comme une figure menaçante que comme une source de richesse. Mais clairement, Robinson Crusoé est une histoire de « Bon Blanc qui va éduquer les pauvres Sauvages de couleur ».

J’y vais un peu fort… mais c’est un livre très marqué par le colonialisme : même si Robinson Crusoé se retrouve sur son île par un malheureux concours de circonstances, il n’en demeure pas moins qu’il va se confronter avec horreur à la vision de tribus cannibales… et nourrir (!) peu à peu l’idée de kidnapper certains Sauvages pour les éduquer, leur inculquer une culture religieuse et les « sauver » de leur état si inférieur à celui d’une nation civilisée.

Le cannibalisme, à l’époque, avait été étudié notamment chez les Tupinambas, des tribus d’Amazonie qui se faisaient la guerre dans le but de capturer des prisonniers pour les manger. Les travaux publiés sur le sujet au 16e siècle ont peut-être agité l’inspiration de Daniel Defoe. On sait aussi qu’il s’est inspiré de l’histoire d’Alexandre Selkirk : ce marin rebelle avait échoué lui aussi sur une île déserte suite à une mutinerie et, ayant vécu 4 ans sur l’île, était devenu une sorte de héros local à son retour parmi la civilisation.

La façon dont les « Sauvages » sont décrits traduit toute l’horreur qu’ils inspirent au héros. Ils sont « abominables », aussi terrifiants que le diable en personne… ou alors ce sont tout simplement de « pauvres Sauvages ». Ils ont un parler dit « petit nègre » (« Mais lui pas entendre quoi vous dire ? »)… et ils sont décrits comme incapables d’initiatives « supérieures ».

Par exemple, Robinson Crusoé s’aperçoit que les Sauvages sont très capables de leurs mains et peuvent fabriquer des objets d’une finesse inouïe… à condition qu’un gentil Blanc les ait mis sur la voie. « Ils avaient merveilleusement civilisé les Indiens ou Sauvages », se félicite-t-il. Un peu plus tard, il se réjouit à l’idée qu’un homme blanc puisse « instruire l’ignorante Sauvage son épouse ».

Tout au long de son séjour dans l’île, Robinson reproduit finalement ce qu’il connaît : on se bâtit une maison, on assure sa subsistance par la culture, la chasse et l’élevage… un peu comme s’il vivait en accéléré tous les stades d’évolution de l’espèce humaine. Puis on s’efforce de faire adopter le même mode de vie à ceux dont on croise la route dans un bel élan d’assimilation culturelle.

J’avoue que tout ceci m’a interpellée d’une manière à laquelle je ne m’attendais pas. Daniel Defoe s’appesantit aussi beaucoup sur la conversion religieuse de Robinson Crusoé… et à l’arrivée, si je suis contente d’avoir relu ce livre avec un regard d’adulte, je n’en garderai pas un souvenir particulièrement plaisant !


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