Detachment, de Tony Kaye : Adrien Brody, l’émotion sous l’armure de l’indifférence


Detachment – Résumé

Henry Barthes est professeur remplaçant. Il vogue de lycée en lycée afin de se substituer durant quelques semaines aux professeurs qui ne peuvent exercer.

Lorsqu’il est nommé dans un nouvel établissement, il se retrouve dans un monde sans foi ni loi, où les adolescents manifestent violence et mal-être, où les parents sont transparents et où les adultes en général sont en proie à un profond sentiment d’impuissance…

Barthes semble imperméable aux tentatives d’intimidation de ses élèves mais comment rester simple spectateur face à la détresse qu’il croise au quotidien ?


RéalisateurTony Kaye.
Durée du film minutes.
Note – ★★★★☆

Detachment, Tony Kaye

Detachment – Critique

Il se passe beaucoup de choses dans le film Detachment de Tony Kaye… et à mes yeux, le lieu central du film – un lycée – n’est pas forcément au cœur de l’intrigue en réalité.

Ce lycée offre simplement un décor, agit comme un révélateur de souffrances aussi diverses que semblables.

C’est un établissement américain qui accueille une population d’élèves en grande difficulté, dont les parents brillent par leur absence. D’ailleurs, les seuls moments où ils surgissent dans le scénario ne leur donnent pas le beau rôle : un père reproche à sa fille Meredith son poids excessif, son intérêt pour l’art et son désintérêt pour les garçons ; les parents hurlent sur le personnel du lycée qui a le malheur de prendre des mesures répressives contre leurs enfants…

Au milieu de ce chaos, la proviseure tente tant bien que mal de résister à la pression car on menace de privatiser son établissement qui n’atteint pas les résultats attendus par le gouvernement. Et les professeurs s’efforcent chaque jour de mettre un pied devant l’autre et d’affronter les journées sans s’y briser au passage.

C’est dans ce contexte que le professeur remplaçant Henry Barthes arrive dans le lycée pour un court remplacement d’un mois. L’homme a l’air triste et seul, une attitude dans laquelle l’acteur Adrien Brody (Le pianiste, The Grand Budapest Hotel, etc) excelle… mais malgré sa fragilité apparente, il semble afficher une force mentale exceptionnelle pour résister aux attaques des adolescents. Il est détaché, comme anesthésié.

La réalité, c’est que l’on peut toujours essayer de mener sa vie en se moquant de tout, en tentant d’être insensible pour se protéger… c’est impossible. Il y a toujours des situations qui vous obligent à réagir, à sortir de ce détachement rassurant que le personne principal de Detachment porte comme une armure.

Ces situations, la vie du professeur Henry Barthes n’en manque pas. Son grand-père, hospitalisé, perd la tête et croit sans cesse voir la mère d’Henry à ses côtés. L’enseignant croise la route d’une toute jeune prostituée, Erica (Sami Gayle), qui l’interpelle sur son absence de réaction après qu’elle a reçu une gifle retentissante d’un client dans un bus. Il remarque la souffrance de Meredith, son élève dont les camarades tournent en dérision l’homosexualité.

Adrien Brody dans Detachment de Tony Kaye

C’est tout le paradoxe entre des êtres qui vivent des situations extrêmement puissantes sur le plan émotionnel… et qui se croisent comme si les autres n’existaient pas, comme s’ils étaient capables de la plus formidable des insensibilités.

Meredith, par son art, capture la détresse autour d’elle… mais qui voit la sienne ? Erica, la jeune prostituée, joue de son corps et de sa séduction… mais qui l’aime pour des raisons moins superficielles ? Henry paraît insensible à tout… mais qui a fait l’effort de comprendre la tragédie qui l’a replié sur lui-même ?

Adrien Brody porte le film avec un immense talent. Sa maîtrise de lui-même dans certaines scènes crée une tension parfaitement dosée. A l’instar de ce moment où un élève, lassé d’avoir réclamé une feuille sans qu’on lui réponde, se lève et va balancer le cartable du professeur Barthes à l’autre bout de la salle :

– Tu f’rais mieux de la fermer sinon j’te pète la gueule, est-ce que t’as pigé ?
– Ce cartable, là, il n’a pas de sentiments, il ne ressent rien. Je suis comme lui. Rien de ce que tu feras ne peut m’atteindre. C’est clair ? Je comprends que tu sois en colère. Tu sais, moi aussi, à ton âge, j’étais très en colère. Je te comprends. Mais tu ne dois pas être en colère contre moi pour la simple raison que je suis à peu près la seule personne à vouloir te donner une chance de t’en sortir plus tard. C’est donc pour ça que je te demande d’aller t’asseoir et de faire de ton mieux. Et je vais te donner une feuille de papier, ça va ?
– Ça me va. Il me faut aussi un putain de stylo.

On a souvent l’impression que la violence (qui va parfois très loin : violence verbale, physique, maltraitance sur les animaux), comme les tenues très dénudées de certaines filles, est un appel au secours désespéré pour faire réagir les adultes à tout prix. Un cri de ces adolescents pour qu’on leur donne des repères.

Sami Gayle et Adrien Brody - Detachment

Personne, dans ce film, n’est parfait. Même la psychologue du lycée, Doris Parker (Lucy Liu), finit par craquer en remettant violemment en place une gamine qui affiche des résultats scolaires déplorables et s’imagine déjà mannequin et musicienne dans un groupe.

Son pétage de plombs nous réveille, d’une certaine manière… Comment trouver sa place, sa voie, son terrain d’expression personnel dans un monde qui dicte parfois ce qu’il faut faire ? Comment continuer à rêver et à voir le beau dans un quotidien qui, parfois, ne l’est pas ? Comment faire changer les choses quand on se sent soi-même si impuissant ?

Detachment est un film que j’ai trouvé profond, même s’il y a des points qui m’ont paru traités avec trop de superficialité, comme le rôle un peu creux de la proviseure, véritable pantin entre les mains de l’administration…

J’ai aimé la musique (The Newton Brothers), l’émotion générale du scénario et les nombreuses réflexions qu’il suscite…


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