A la grâce des hommes, Hannah Kent : destin d’une femme condamnée à mort


A la grâce des hommes – Résumé

En Islande, au début du 19e siècle, Agnès Magnusdottir a été condamnée à mort pour le meurtre de deux hommes et l’incendie de la ferme où ils se trouvaient. Un terrible assassinat qui a choqué toute la région.

En attendant que soit fixée la date de l’exécution, le commissaire de police du canton – Björn Blöndal – décide de placer la jeune femme chez des fermiers de la région, de « bons chrétiens » qui pourront peut-être susciter chez elle un certain repentir. A la grande terreur de la famille Jonsdottir, choisie – contre son gré – pour accueillir la condamnée…


Auteur.
Taille du livre384 pages.
Note – ★★★★☆

A la grâce des hommes, Hannah Kent

A la grâce des hommes – Avis sur le livre

Le roman d’Hannah Kent, A la grâce des hommes, m’a tenue en haleine de la première à la dernière page tant l’histoire est captivante et le décor vivide. Un premier roman remarquable !

Il est tiré d’une histoire vraie survenue en Islande autour de 1828. Au mois de mars, en pleine nuit, un incendie éclate dans une ferme d’Illugastadir appartenant au fermier Natan Ketilsson. L’homme jouit dans la région d’une réputation étrange : on le dit tour à tour sorcier, fortuné, diabolique, séducteur… Il fait l’objet de toutes les rumeurs et sa réussite attise parfois la jalousie autant que la convoitise.

Dans les décombres de la ferme, on retrouve deux corps : celui de Natan lui-même et celui de Pétur Jonsson, lui aussi originaire de la région. Ils ont visiblement subi des blessures gravissimes. Assez rapidement, l’enquête désigne trois coupables : les deux filles de ferme de Natan, la jeune Sigga et Agnès Magnusdottir, et un homme du coin, Fridrik Sigurdsson. Ils sont condamnés à mort.

« Ils disent que je dois mourir. Ils disent que j’ai volé à ces hommes leur dernier souffle et qu’ils doivent voler le mien. Comme si nous étions des bougies – je vois palpiter leurs flammes graisseuses dans l’obscurité et le mugissement du vent.

Et je crois entendre des pas déchirer le silence. D’horribles pas qui viennent à moi, qui viennent pour éteindre et emporter ma pauvre vie dans un ruban de fumée grise ».

Sur ces terres profondément religieuses, il n’est pas envisageable de laisser mourir des hommes sans leur offrir une chance de rédemption. Alors le commissaire Björn Blöndal, en charge de l’affaire, leur accorde deux droits :

  • La possibilité d’avoir un directeur de conscience qui les guidera vers la mort en orientant le condamné vers les Saintes Écritures. Agnès Magnusdottir choisit le sous-révérend Thorvadur, un tout jeune homme inexpérimenté…
  • L’opportunité de vivre leurs derniers mois sur Terre dans une famille chrétienne qui leur enseignera peut-être le sens du repentir. Une ferme où ils travailleront en attendant la mort, pour se rendre utiles et quitter ce monde en ayant pris la pleine mesure de la gravité de leurs actes.

Comme vous l’imaginez, la perspective de recevoir chez soi un meurtrier n’est guère rassurante et la famille qui s’apprête à accueillir Agnès Magnusdottir est remplie d’angoisse…

Dès les premières pages, le livre vous plonge dans une atmosphère unique : on lit tour à tour le ressenti de l’accusée Agnès Magnusdottir, un avis à la population relatif au défunt Natan Ketilsson, des échanges de courriers… On se demande si l’on va s’y retrouver parmi tous ces noms aux consonances inhabituelles et ces lieux dont on ignore tout.

Et puis, au fil des pages, on plonge dans la quête fascinante de la vérité.

  • La vérité des faits, d’une part : que s’est-il vraiment passé la nuit de l’incendie ? Est-ce simplement la cupidité qui a conduit trois êtres à commettre un meurtre si abject ?
  • La vérité du peuple, d’autre part : à cette époque lointaine, le poids des rumeurs est considérable et il est parfois très simple d’évaluer le degré de culpabilité d’une personne à la nature de sa réputation.
A la grâce des hommes, Hannah Kent

A la grâce des hommes explore le sujet fascinant du « monstre ». Ces êtres que la société met au ban parce qu’ils ont commis des actes répréhensibles. Peut-on les résumer à ce qui a été dit d’eux lors d’un procès ou y a-t-il une autre histoire à raconter ? Qui sont-ils vraiment ?

« Ils ne savent pas qui je suis. Je ne dis rien. Je suis résolue à me fermer au monde. Je veux endurcir mon coeur et m’accrocher à ce qui ne m’a pas encore été volé. […] Je me retiendrai à ce que je suis, je le garderai contre moi, je fermerai mes poings sur tout ce que j’ai vu, senti et entendu. […]

Ceux qui me regarderont verront une putain, une folle, une meurtrière, une créature qui rougit l’herbe de sang et rit à gorge déployée, la bouche pleine de terre. Ils prononceront le mot « Agnès » et verront une sorcière, une araignée prise dans sa propre toile. Ou un agneau encerclé par des corbeaux, bêlant pour appeler sa mère. Mais ils ne me verront pas, moi. Je ne serai pas là ».

Le roman d’Hannah Kent explore à la fois le ressenti d’Agnès, celui de Toti (le jeune révérend qui recueille ses confessions) et celui de la famille qui héberge Agnès. Regards croisés où se mêlent de multiples sentiments : la peur, la méfiance, la maladresse, mais aussi la confiance et la fraternité.

On suit tant leurs relations que leur vécu dans une ferme du 19ème siècle où la vie est rude. On plonge dans un autre temps, avec d’autres mœurs, des croyances révolues (« d’épais cheveux roux, signes d’une nature traîtresse » dit-on au sujet de l’un des personnages…), face à une femme qui porte en elle une foule de secrets que l’on brûle de découvrir.

La confiance ténue qui se tisse peu à peu entre Agnes Magnusdottir et le jeune Toti m’a rappelé l’atmosphère du roman Oscar et Lucinda de Peter Carey, qui mettait en scène une femme forte et un jeune pasteur encore naïf.

A la grâce des hommes, c’est une belle plume, franche et précise ; ce sont des dialogues fins et puissants ; c’est un talent pour capturer une région dans ce qu’elle a de beau et sauvage à la fois. Avec, à l’arrivée, un très beau moment littéraire !


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