La chute – Résumé
A 22 ans, la jeune Traudl Junge est choisie par Hitler pour devenir sa secrétaire particulière. Jusqu’à son suicide, le 30 avril 1945, Traudl Junge prendra en charge sa correspondance personnelle et protocolaire.
C’est à ses côtés que l’on plonge dans les sous-sols de Berlin, dans le bunker qui abrite les restes du gouvernement du Troisième Reich alors que l’Allemagne approche de la capitulation. Autour d’Hitler, fidèles, soldats et fidèles soldats vivent chacun à leur manière ces semaines où le régime nazi part en lambeaux…
Réalisateur – Oliver Hirschbiegel.
Durée du film – minutes.
Note – ★★★★★
La chute – Critique
Mais comment se sont déroulées les dernières semaines, où le cercle proche du dictateur voyait peu à peu l’espoir d’une victoire miraculeuse s’éloigner et la fin de la Seconde Guerre Mondiale se faire de plus en plus concrète ? C’est ce que retrace le film d’Oliver Hirschbiegel, 2h35 d’une chute inexorable…
L’histoire, entièrement calquée sur des faits et témoignages réels, est racontée à travers le regard de la jeune Traudl Junge (jouée par Alexandra Maria Lara).
On replonge quelques décennies en arrière. Native de Munich, Traudl Junge cherche un emploi pendant la Seconde Guerre Mondiale et après avoir étudié le commerce, est embauchée comme secrétaire de la chancellerie.
En 1943, elle apprend qu’Hitler recherche une secrétaire et est sélectionnée parmi neuf candidates pour prendre en charge la correspondance du dictateur – hors correspondance militaire.
C’est ainsi que la vraie Traudl Junge résumera son état d’esprit dans le documentaire Dans l’angle mort (André Heller, Othmar Schmiderer) sorti en 2002, l’année de son décès. Des images reprises au début du film d’Oliver Hirschbiegel.
« C’est comme si j’étais en colère contre l’enfant que j’étais, contre cette petite chose puérile, comme si je n’arrivais pas à lui pardonner de ne pas avoir reconnu à temps le visage de l’horreur, le monstre. Je m’en veux, de ne pas avoir pressenti dans quel guêpier je me fourrais et surtout, d’avoir dit oui sans réfléchir. Je n’étais pas une national-socialiste convaincue.
Quand je suis allée à Berlin, j’aurais pu dire « non, je ne veux pas participer à tout ça, je ne veux pas être envoyée au quartier général du Führer ». Mais je ne l’ai pas fait. La curiosité l’a emporté. Je ne pensais pas que le destin me précipiterait ainsi dans un rôle auquel je n’aspirais pas. Malgré tout, j’ai du mal à me le pardonner ».
Notez que vous pouvez regarder le documentaire sur YouTube (Im Toten Winkel) en activant les sous-titres et la traduction automatique de ceux-ci.
Dans le film, on retrouve Traudl Junge parmi les quelques personnes habilitées à approcher Hitler au plus près. Les figures connues du Troisième Reich se dévoilent, notamment Eva Braun (Juliane Köhler), compagne d’Hitler, qui affiche une légèreté si déconcertante jusqu’au bout qu’on a le sentiment qu’elle s’est construit son propre monde intérieur préservé de la réalité. Ou encore le couple Goebbels, Joseph et Magda (Ulrich Matthes et Corinna Harfouch), et leurs enfants. Ainsi qu’Albert Speer (Heino Ferch), architecte d’Hitler.
Autour, gravite une armada de soldats, de personnel, d’invités, dont on retire le sentiment qu’ils grignotent les dernières miettes de ce Troisième Reich en déclin. Alors qu’en surface, les bombardements font rage, faisant payer aux civils un lourd tribut, dans le bunker en sous-sol on se régale de mets savoureux, l’alcool et les cigarettes semblent circuler sans retenue…
Cette abondance seule ne parvient pas à cacher la réalité de la situation : l’Allemagne est en train de perdre la guerre, et Hitler est un dictateur malade. Avec ironie, vous me répondrez qu’il l’a toujours été… mais je fais référence ici à ses tremblements, à la paranoïa qui semble le gagner à mesure que la fin approche, à ses crises d’hystérie où il hurle et postillonne sur tous ceux qui l’entourent, à ses ordres décousus, son refus d’abandonner quel qu’en soit le prix.
Bruno Ganz livre une interprétation magistrale dans un rôle sûrement très difficile à accepter pour un acteur. Se projeter dans la peau de l’une des créatures les plus haïes de l’histoire doit être une étrange et perturbante expérience.
Les décisions d’Hitler apparaissent de plus en plus illogiques à mesure que les semaines défilent : son entêtement à vouloir poursuivre une guerre que ses généraux savent perdue relève d’un profond déni de la réalité. Il semble rester persuadé qu’une issue miracle va se profiler, il imagine le secours d’armées victorieuses, croit que certaines décisions militaires ou que le courage de ses hommes peut encore changer la donne, il semble ignorer les cartes alarmistes et les regards en coin échangés par ses maîtres de guerre…
Mais le temps passe, son corps se voûte, ses mains tremblent et sa rage de vaincre se mue en une sorte de constat d’adieu : celui que le national-socialisme va disparaître, avalé par l’avancée des Soviétiques.
C’est alors un homme face à son idéal déchu, à ses rêves piétinés… et autour de lui, il y a ceux qui l’abandonnent, sentant le vent tourner et voulant sauver leur peau… et ceux qui restent, par fidélité à de vieux serments ou par croyance absolue qu’il ne peut y avoir « d’après » le nazisme.
Bruno Ganz exprime tour à tour cette colère d’un homme qui voit le navire couler, sa détresse de voir le régime péricliter, son abattement face à certaines trahisons et, çà-et-là, quelques gestes d’affection, précieux pour que le monstre ne soit pas « qu’un monstre » mais que l’on comprenne aussi, un peu, en tant que spectateur, l’influence qu’il est capable d’exercer autour de lui.
Oliver Hirschbiegel nous montre tous les épisodes tragiques que l’on connaît bien quand on s’intéresse à cette période de l’histoire : la terrible décision de Joseph et Magda Goebbels, le mariage « de dernière minute » entre Hitler et Eva Braun, le quotidien de ce bunker avec ses couloirs mal éclairés dont les lampes vacillent à chaque bombardement…
On ne parle pas, dans La chute, de ce que les nazis ont fait. Les 6 millions de gens exterminés dans les camps de concentration ne sont pas évoqués, tout au plus Hitler fustige-t-il brièvement « la juiverie ». Dans ce bunker, c’est comme si les actes étaient laissés dehors, dans les ruines de l’Europe… tandis qu’on se concentre sur ces gens qui boivent jusqu’à l’ivresse, croient jusqu’à la folie en un chef qui les mène à la mort.
Il se crée alors un contraste énorme entre ce que l’on sait, en tant que spectateur, de la Seconde Guerre Mondiale… et ce que l’on voit dans ce bunker, des gens qui semblent mener sous terre une vie « presque normale », en témoigne cette scène où Eva Braun offre à Traudl Junge un volumineux manteau de fourrure alors que dehors, les civils meurent dans leurs vêtements salis par la poussière des bombes.
C’est une réflexion étrange sur « où mène le fanatisme »… car derrière l’adhésion au régime nazi, il n’y a pas que des gens qui adhèrent à des idées… mais des personnes qui entretiennent un rapport d’idolâtrie, presque amoureux, vis-à-vis d’Hitler, en témoignent les larmes de Goebbels quand il décide pour la première fois de désobéir à son « maître » afin de rester à ses côtés jusqu’au bout.
Si vous ne connaissez pas bien cette période de l’histoire, vous apprendrez beaucoup de choses, d’autant que j’ai trouvé le film très bien documenté. Et si vous avez une bonne connaissance de l’histoire, la voir ainsi prendre vie lui donne une dimension tout aussi intéressante. Un film à voir !
Notez que vous pouvez en apprendre plus en lisant le livre écrit par Traudl Junge sur son expérience de secrétaire d’Hitler.
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