Miroir de nos peines – Résumé
En 1940, une femme court nue dans les rues de Paris. Un usurpateur de génie change d’identité comme de chemise et se fraie un chemin dans les plus hautes sphères de la société. Un patron de bistrot jovial commente la splendeur et la décadence de l’époque. Un petit délinquant essaie de s’accommoder de la guerre.
Entre eux, un lien. Il se dévoile au fil des pages, de surprises en révélations…
Auteur – Pierre Lemaitre.
Taille du livre – 544 pages.
Note – ★★★★☆
Miroir de nos peines – Avis sur le livre
Entre ce roman et le célèbre Au revoir-là-haut se tisse un lien subtil… puisque l’une des héroïnes du Miroir de nos peines n’est autre qu’un discret personnage secondaire de l’autre roman, Louise Belmont, qui était une petite fille à l’époque où sa mère avait accueilli chez elle une gueule cassée, Edouard Péricourt, dont le bas du visage avait été emporté par un obus.
Les années ont passé, Louise a grandi. Elle pourrait être perçue, à certains égards, comme une femme sans grand intérêt : institutrice, elle continue à servir le week-end dans le bistrot de Monsieur Jules, un homme jovial qui a le verbe haut et aime partager son analyse du monde qui l’entoure.
Une femme sans doute semblable à mille autres, mais à qui Pierre Lemaitre va dédier une péripétie absolument fascinante dès le début de son roman ! Dès lors, impossible de résister à l’envie d’en savoir plus sur elle…
Pendant ce temps, ailleurs, se passent d’autres choses. Car le théâtre du Miroir de nos peines est l’année 1940… et vous n’êtes pas sans savoir que la guerre gronde en France à cette époque, d’abord sournoise et sans attaque frontale (ce qui lui a valu le surnom de « Drôle de guerre »), puis ouverte et meurtrière.
Une guerre a ceci de particulier qu’elle peut révéler le meilleur comme le pire en chaque être humain. Et comme rien n’est jamais tout noir ou tout blanc, elle révèle parfois le meilleur ET le pire.
Pierre Lemaitre pioche dans cette guerre quelques visages. Il y a d’abord celui de Désiré, un homme à l’intelligence exceptionnelle qui ne se contente pas d’une seule identité : pourquoi se résoudre à n’être qu’une personne quand on peut changer d’identité en suivant le sens du vent ? Son éloquence, son aplomb et sa bienveillance se mêlent à son talent pour la manipulation et la falsification, faisant de lui un personnage aussi amusant que « ponctuellement détestable ».
Il y a aussi Raoul, un petit délinquant qui s’est engagé dans l’armée comme caporal et entend bien exploiter à son avantage la rigueur militaire. Ou encore Gabriel, un prof de maths lui aussi appelé sous les drapeaux. Et Fernand, qui appartient à une brigade mobile et se sent déchiré entre ses obligations envers son pays et l’amour de sa vie, la fragile Alice qui souffre de problèmes cardiaques.
Loin de nous dresser des portraits figés, Pierre Lemaitre nous entraîne dans le quotidien très différent de chacun de ces personnages. D’un chapitre à l’autre, nous explorons leur vie, leurs peurs, leurs désirs, leurs failles en comprenant qu’au-delà de leurs différences manifestes, ils sont unis par un lien certain.
A vrai dire, il n’est pas difficile de deviner ce lien et je n’ai pas perçu ce roman comme une « enquête policière » visant à faire toute la lumière sur le sujet. Il s’agit plutôt d’écouter, avec l’attention du lecteur captivé, le récit de ces vies qui s’entrecroisent.
Pierre Lemaitre a puisé dans des épisodes réels et méconnus de l’histoire pour donner du corps à son récit, illustrer les moments de débâcle et de souffrance comme les actes valeureux.
Que l’on soit sur le front, attendant l’arrivée des Allemands avec une appréhension mêlée d’excitation, dans une prison militaire surpeuplée, dans les rues de Paris craignant l’Occupant ou sur les routes de France où les réfugiés s’enfuient, on se laisse emporter par une intrigue fluide et, il faut l’avouer, diablement divertissante !
C’est dire s’il faut du talent pour faire d’un exode et d’une débâcle militaire un sujet d’amusement !
Bien qu’il soit question de guerre, de faim, de drames et parfois de mort, les moments difficiles sont vite éclairés par des notes d’humour et d’espoir. Et sous l’humour se cache souvent une réflexion bien plus profonde.
Mentir ou voler pour la bonne cause est-il excusable ? La fuite peut-elle être à la fois un acte de lâcheté et un acte de bravoure ? Jusqu’où peut-on aller « au nom de l’amour » ?
On peut lire ce roman pour se détendre mais on peut aussi en faire le support à des questionnements de fond, de quoi satisfaire les attentes de tous types de lecteurs !
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