Un sac de billes de Joseph Joffo, un roman bouleversant et attendrissant


Un sac de billes – Résumé du roman Un sac de billes

Joseph Joffo et son frère Maurice, deux enfants parisiens juifs, ont respectivement 10 et 12 ans lorsque leurs parents les incitent à quitter le domicile familial pour aller se réfugier dans le Sud de la France.

Il s’agit de fuir l’occupation allemande et les politiques qui privent de plus en plus les Juifs de liberté, en descendant en zone libre.

Les deux petits se retrouvent sur les routes, livrés à eux-mêmes dans un monde où l’on ne peut faire confiance à personne. Une aventure où les bonnes rencontres succèdent aux mauvaises, où l’ingéniosité et la débrouillardise deviennent une question de vie ou de mort.


Auteur.
Taille du livre252 pages.
Note – ★★★★★

Un sac de billes de Joseph Joffo

Un sac de billes – Critique

Un sac de billes de Joseph Joffo est un livre qu’on ne présente plus. Paru en 1973, ce roman autobiographique a marqué des générations d’enfants et d’adultes. C’est l’un des tout premiers livres que j’ai lus sur la Shoah, une entrée en matière qui avait tant marqué mes souvenirs que j’ai voulu me replonger dans l’histoire…

Il faut revenir à une époque où les repères sont différents. Nous sommes en 1941, dans les quartiers populaires de Paris. La Seconde Guerre Mondiale fait rage depuis déjà deux ans mais jusqu’à présent, elle a relativement épargné la famille Joffo, qui tient un salon de coiffure. La clientèle s’y presse et les rues du 18e arrondissement sont le terrain de jeu favori de Joseph Joffo, 10 ans, et son frère aîné, Maurice, 12 ans.

Ils sont juifs… mais qu’est-ce que ça veut dire, au juste, être juif ? A cet âge là, pas facile à dire ! Ce n’est pas ça qui fait gagner ou perdre les parties de billes dans la cour de récré, en tout cas !

La description du Paris de l’époque regorge d’une insouciance toute enfantine, baignée de préoccupations ordinaires d’une jeunesse qui se déroule pourtant dans un contexte tout sauf ordinaire.

« En courant, nous avons monté les rues qui mènent au Sacré-Coeur. Il y a des escaliers terribles par là, avec des rampes tout exprès pour que les enfants les descendent à fond de train, les fesses brûlées par le froid du métal ».

Lorsque Joseph Joffo reçoit son étoile jaune, marquage voulu par l’occupant pour tous les gens de confession juive, il l’échange à un camarade de classe envieux contre un sac de billes. Une transaction innocente qui dévoile à elle seule la particularité de ce livre : même si Joseph Joffo a écrit Un sac de billes à l’âge adulte, c’est un roman qui vous présente l’histoire avec un regard d’enfant.

Et puis, brutalement, il faut fuir. Les parents de Maurice et Joseph remettent à leurs enfants un peu d’argent et quelques vêtements propres… et ils doivent partir sur les routes. Un seul objectif : rejoindre la zone libre, dans le Sud de la France.

Aujourd’hui, il paraît inconcevable d’imaginer deux enfants ainsi livrés à eux-mêmes, non pas dans un geste d’abandon parental mais dans une tentative de leur sauver la vie. On peine à imaginer à quel point ça a dû être dur pour leurs parents de les laisser partir ainsi, restant sans nouvelles… à une époque où la Gestapo contrôle les trains et quadrille les rues.

C’est l’apprentissage – brutal – de la débrouillardise : il faut gagner de quoi vivre, trouver des stratégies pour avaler les kilomètres vers une destination dont on ignore tout.

Les péripéties que vivent Maurice et Joseph Joffo nous font passer par tous les stades émotionnels qu’il est possible d’imaginer : on partage leur peur quand il s’agit de se cacher, leurs (souvent bonnes) combines pour faire du commerce et écouter les bruits de couloir, leur force de caractère, leur talent pour « arranger la vérité » quand la situation l’exige… Ils sont espiègles et touchants.

Un sac de billes de Joseph Joffo

Une chose me frappe à chaque fois que je lis un témoignage de survivant de la Shoah : c’est la solidarité… et le fait que la plupart des gens qui s’en sont sortis semblent être des gens ayant une capacité formidable à mobiliser un réseau et à tisser des liens. C’est grâce à ce réseau qu’ils ont pu mener des échanges (notamment pour manger), s’informer, essayer de se mettre à l’abri avant une descente de la Gestapo. Seul, avait-on une chance de s’en sortir ?

Un sac de billes est riche en scènes très fortes sur le plan émotionnel, si fortes que je me suis aperçue en relisant le roman que je m’en souvenais parfaitement, alors que j’étais très jeune lors de ma première lecture. Je retiens notamment ces quelques phrases du dénouement :

« Trois ans plus tôt j’ai pris le métro par un beau soir pour la gare d’Austerlitz, aujourd’hui je reviens. La rue est la même, il y a toujours ce ciel métallique entre les gouttières des toits, il y a cette odeur qui flotte et qui est celle de Paris au matin lorsque le vent remue un peu les feuilles des arbres rares.

J’ai toujours ma musette, je la porte avec plus de facilité qu’autrefois, j’ai grandi.

Mémé Epstein n’est plus là. La chaise paillée dans le renfoncement de la porte a disparu elle aussi. Le restaurant Goldenberg est fermé. Combien sommes-nous à revenir ?

Derrière une plume très factuelle, on lit entre les lignes l’intensité du moment. J’ai éprouvé le même sentiment qu’en parcourant le témoignage de Shlomo Venezia, qui travaillait dans les chambres à gaz : l’idée qu’un mot ordinaire peut parfois exprimer des émotions qui vont au-delà de ce que la langue française peut décrire.

Dans l’édition du livre que j’ai achetée, le récit est suivi d’une postface où Joseph Joffo évoque quelques questions fréquentes de ses lecteurs. L’une revient régulièrement : est-ce que la Shoah pourrait se reproduire ? L’auteur formule une réponse que j’ai entendue de nombreuses fois dans des documentaires sur le nazisme : oui.

« La Pologne est un pays où la communauté juive est devenue quasi inexistante par suite de l’extermination et où, cependant, l’antisémitisme resurgit actuellement […]. Je crois donc qu’il faut rester vigilants […]. Si aujourd’hui la France devait à nouveau traverser une grave crise économique, avec cinq ou six millions de chômeurs, cela ferait, je crois, le jeu de ceux qui prêchent la xénophobie, le racisme, et bien sûr l’antisémitisme ».

Des propos qui rejoignent totalement ceux de Niklas Frank, fils du nazi Hans Frank qui a été l’orchestrateur de la « Solution finale » en Pologne… et qui donnent aussi à réfléchir sur l’actualité.

Le livre de Joseph Joffo séduit avant tout par le témoignage unique qu’il apporte. Si je dois me montrer honnête, l’écriture elle-même ne se détache pas du lot. L’éditeur Jean-Claude Lattès, qui avait accepté de publier Un sac de billes après le refus de plusieurs autres maisons d’édition, avait d’ailleurs incité Joseph Joffo à se faire aider d’un co-auteur pour donner plus de qualité littéraire au récit.

Deux adaptations cinématographiques ont été réalisées : celle de Christian Duguay, en 2017, où Joseph Joffo s’est activement impliqué dans la production et la promotion du film ; et celle de Jacques Doillon, en 1975, où Joseph Joffo n’a pas été consulté et a seulement pu visualiser les rushes une fois le film tourné (il explique d’ailleurs dans la postface que le film ne lui a pas paru fidèle à la réalité).

C’est un roman que l’on peut lire dès l’âge de 10-12 ans (selon la maturité du jeune lecteur !) mais aussi à l’âge adulte car on y perçoit d’autres choses.


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