Après Hitler – Résumé
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale s’achève, elle laisse dans son sillage des pays ravagés par le nazisme et les années de conflit : les blessures morales et la famine s’ajoutent à la destruction massive des villes…
Rapidement, reconstruire s’impose comme une nécessité, tant pour aller de l’avant que pour effacer les stigmates visibles de cette guerre qui marquera des générations entières.
Mais l’après-guerre est loin de se limiter à la liesse d’un conflit terminé. D’autres totalitarismes menacent, les victimes de la guerre sont innombrables, les réparations à engager décourageantes… et il faut désigner et juger les coupables. C’est à toute cette période entre 1945 et le début du rideau de fer en Allemagne que se sont intéressés les deux réalisateurs du documentaire « Après Hitler », Olivier Wieviorka et David Korn-Brzoza.
Réalisateur – O. Wieviorka et D. Korn-Brzoza.
Durée du film – minutes.
Note – ★★★☆☆
Après Hitler, un documentaire sur l’après-guerre – Critique
Le film mêle des images historiques des grands jalons ayant marqué la période, comme la conférence de Potsdam, les bombes atomiques lancées su le Japon, les procès de Nuremberg ou encore la création de l’OTAN… à des images montrant le quotidien des peuples d’Europe au lendemain de la guerre. On découvre notamment beaucoup d’images colorisées, ce qui fait du documentaire Après Hitler une ressource très riche pour aborder cette époque.
Les images choisies sont fortes. La liesse dans les rues à la fin de la guerre fait vite place à une autre réalité. Il y a des morts partout, par milliers, qu’il faut rassembler et à qui on tente tant bien que mal de donner une sépulture digne. Une tâche à laquelle les enfants sont nombreux à participer…
Les dégâts matériels sont considérables (Varsovie, par exemple, a été détruite à plus de 90%) et l’on découvre les moyens dérisoires avec lesquels la population doit commencer à déblayer les gravats.
« Hitler voulait un Reich pour mille ans. Il a replongé son peuple mille ans en arrière ».
Dans ces villes dévastées, il reste surtout des femmes et des enfants. Une quantité innombrable d’orphelins, au point qu’un programme télévisé est créé pour lancer des avis de recherche. Les enfants eux-mêmes se présentent (ou sont présentés quand ils sont trop petits pour parler) et un appel à témoins est lancé pour retrouver d’éventuels proches survivants.
Femmes et enfants commencent à déblayer les ruines de Berlin à mains nues, formant des chaînes, en l’absence de tout engin mécanique pour leur faciliter la tâche.
La famine, la pauvreté poussent beaucoup de femmes à tomber dans les bras des soldats… qui sont autant des libérateurs qu’ils ont la capacité à leur fournir de quoi manger et des produits de première nécessité.
Les hommes, eux, sont pour beaucoup morts, déplacés par la guerre ou prisonniers quelque part. On exploite les hommes capturés en les louant pour qu’ils effectuent des travaux de reconstruction, de déminage, d’exhumation des charniers… Le traitement des prisonniers donne lieu à des images particulièrement marquantes. On réalise que les victimes étaient, pour beaucoup, dans une telle quête de réparation des préjudices subis que beaucoup se sont fait justice elles-mêmes.
Les anciens bourreaux et collaborateurs ont parfois été livrés à la foule qui les a mis en pièce avec le consentement des soldats alliés. Un survivant de la Shoah déclare ainsi : « Les Russes nous ont laissé 24 heures pour leur infliger le traitement que nous voulions ». Les images sont dures et posent la – vraie – question morale de ce qu’il faut penser des situations où l’on répond à la violence par la violence…
Ce documentaire a fait écho dans mon esprit au témoignage de Roma Ligocka, la fameuse « petite fille au manteau rouge » que l’on voit dans La Liste de Schindler. En effet, le documentaire Après Hitler montre bien que les populations sont finalement restées très « abandonnées » après la guerre, dans des pays trop blessés pour les prendre en charge correctement.
Beaucoup de rescapés des camps de concentration sont ainsi morts du typhus ou de la consommation trop rapide d’une alimentation trop riche après des mois de malnutrition extrême.
En écho aussi au livre de Roma Ligocka, on réalise que l’Allemagne est sortie d’un conflit seulement pour rentrer dans un autre, avec la montée en puissance de Staline… Le documentaire émet l’hypothèse que ça a finalement contribué à sortir l’Allemagne de son image de coupable, en la montrant aussi capable d’être victime d’un totalitarisme.
Juste après la guerre, beaucoup de gens considéraient les Allemands comme « des nazis », dans leur ensemble. Ça a d’ailleurs donné lieu à des massacres (les Tchèques ont massacré beaucoup de leurs concitoyens originaires d’Allemagne)…
J’ai regardé ce documentaire alors que je reviens tout juste d’un voyage très marquant à Nuremberg, qui m’a justement permis de plonger dans cette période de l’histoire et de pénétrer dans la salle d’audience où ont été jugés certains cadres du parti nazi. Je réalise, plus que jamais, à quel point rendre la justice après un conflit pareil était une tâche ardue. A quel point, aussi, certains ont échappé aux mailles du filet par la fuite ou par la mort…
Le documentaire d’Olivier Wieviorka et David Korn-Brzoza m’a paru intéressant mais pourtant, je ne lui attribue « que » 3 étoiles. En effet, j’ai trouvé qu’il succombait au travers de vouloir être un peu trop hollywoodien, malgré une narration vivante et informative de Vincent Lindon : musique catastrophe qui évoque tour à tour la conquête et le désespoir, taches de sang sur une carte, approche du sujet qui reste assez « distante »…
Pour ma part, c’est le genre d’images que j’ai besoin de voir dans un environnement très sobre, très simple, sans tous ces artifices de mise en scène. Car c’est la réalité. Celle d’un autre temps, qui s’éloigne à mesure que les années passent. Mais une réalité pas si ancienne et dont il est terriblement important de se rappeler. Des documentaires comme Inheritance de James Moll ou encore Les enfants d’Hitler de Chanoch Zeevi par exemple m’ont beaucoup plus marquée à cet égard.
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J’ai lu les autres commentaires et n’ai pas grand chose à ajouter. Sauf ceci :
1. J’ai vécu en Allemagne de 1958 à 1984. Les Allemands que j’ai connus dans les premières années étaient fatalistes et, comme le montre bien Géraldine Schwartz dans son livre « Les Amnésiques » (Flammarion, 2017), des Mitläufer, des suiveurs bon gré mal gré. Traumatisés par la défaite cuisante de 1918 et l’humiliation des traités de Versailles, galvanisés ensuite par le Führer, enfin écrasés par cette nouvelle défaite qui, en plus de les classer comme à nouveau vaincus, leur assène une infamante culpabilité. Il faut souligner leur immense courage (je parle de ceux que j’ai connus, ceux de l’Ouest) pour reconstruire une société enfin humaine.
2. Sur la forme, je déplore l’emploi quelque peu hollywoodien de la colorisation systématique, qui enlève une bonne part d’authenticité aux images. Le noir et blanc témoigne d’une rigueur et d’une sobriété qui sied beaucoup mieux au caractère tragique des évènements filmés.
3. Enfin, oui, la voix du commentateur Vincent Lindon, terne et sourde, souvent parasitée par la musique, empêche de comprendre un bon nombre de mots.
Merci Jacques pour ce témoignage très intéressant. Je vais ajouter le livre de Géraldine Schwartz à ma liste de lecture car je ne le connais pas encore.
Documentaire colorisé et toujours très intéressant concernant cette période noire du 20ème siècle.
Pour ma part une seule ombre au tableau, le commentateur (l’acteur Vincent Lindon) avec sa voix éraillée était mal perçue par rapport à la musique de fond un peu forte. C’était gênant de modifier le son tout le long du documentaire ! Cordialement
Ah, ça ne m’a pas frappée pour ma part !
Je l’ai justement vu hier soir et j’ai beau avoir lu et connaître des tonnes de trucs sur la Seconde Guerre Mondiale, chaque fois j’apprends de nouvelles choses. J’ignorais par exemple que Varsovie avait été détruite à 90%.
Le contraste entre les images de liesse et les images de destruction et de misère était saisissant. Puis j’ai l’impression que la reconstruction n’est pas une période dont on parle souvent (et d’ailleurs en écrivant cela, j’ai réalisé que les personnes de mon entourage qui avaient connu la guerre parlaient volontiers de celle-ci mais jamais des années qui ont immédiatement suivi la Libération) et on oublie que la capitulation allemande n’a pas tout arrangé d’un seul coup de baguette magique – et comment l’aurait-elle pu avec une partie de l’Europe détruite, des dizaines de millions de morts dont un peuple presque entièrement décimé par les Nazis…
Quant aux gens, notamment les rescapés de camps, qui se sont fait justice eux-mêmes, comment leur en vouloir ? Même si je suis d’accord que la barbarie ne se règle pas avec la barbarie.
Je n’avais jamais réfléchi au fait que la scission de l’Allemagne et le traumatisme que cela a impliqué pour les Allemands aient pu contribuer à leur « réhabilitation ». Je ne pense pas que notre génération ait encore des préjugés envers les Allemands mais je me souviens que lorsque j’ai dû choisir ma seconde langue juste avant d’entrer en quatrième (dans les 90’s), j’ai entendu de la part de mes grands-parents et de plusieurs de leurs amis la phrase suivante » j’espère que tu ne vas pas choisir l’allemand, après ce qu’ils nous ont fait ! « … Bon, étant d’origine italienne, j’ai opté pour l’italien mais je leur avais quand même fait remarquer au passage que beaucoup de Juifs étaient germanophones (je venais de lire le journal d’Anne Frank) :-)
Sinon, je suis d’accord pour la mise en scène, c’était un peu sensationnaliste par moments.
Le procès de Nuremberg était une excellente chose. Au départ les dirigeants alliés avaient prévu de faire simplement exécuter les responsables nazis. Mais Nuremberg a permis de faire justice à leurs victimes et je pense que c’était important pour les survivants et les générations futures. Sans compter que le procès a établi la notion de crime contre l’humanité qui a ensuite permis à d’autres populations persécutées d’obtenir justice à leur tour.
Je suis d’accord avec toi sur la façon assez « manichéenne » dont l’après-guerre est souvent présenté, qui donne l’impression que la capitulation a tout résolu instantanément. L’histoire a tendance à aller vers la simplification à mesure que les années passent. Quand on se dit, par exemple, que certains Rois sont « résumés » par un intitulé type « Clovis II Le fainéant » ou « Louis XI Le Prudent »… ça peut quand même conduire à une vision assez élémentaire des choses :)
C’est un aspect auquel je m’intéresse particulièrement sur la Seconde Guerre Mondiale : le côté « double face » des criminels nazis. Pour parler de celui dont je connais le mieux le parcours, Amon Göth, il y a d’un côté le monstre surnommé « Le boucher d’Hitler », de l’autre l’homme susceptible d’être aimé (sa fiancée a gardé un portrait de lui dans sa chambre jusqu’à sa mort dans les années 80 et a entrepris des démarches pour porter son nom), d’avoir Oskar Schindler comme ami… et d’un point de vue psychologique, je trouve ces parcours terriblement complexes et intéressants à explorer pour essayer de comprendre « ce qui a disjoncté » à un moment donné.
Le procès de Nuremberg a été intéressant à bien des égards : nature des crimes jugés et nombre de victimes affectées (que l’on parle des victimes directes ou des familles décimées), réunion de juges soumis à des droits différents (le droit anglo-saxon reconnaît certains crimes qui n’existent pas en droit français, par exemple), traduction en direct pour la première fois dans un procès, pression internationale extrême… Et symboliquement, c’est important que le procès ait été organisé dans cette ville qui a tant incarné la folie du régime nazi.
Mais, le fait de dramatiser un peu, avec ce côté hollywoodien, est-ce que finalement ça ne provoque pas une certaine distance ? C’est une période qui est encore vive, qui parle toujours à pas mal de gens qui ont connu la reconstruction de l’Europe … Dramatiser pour éloigner ?
Peut-être que c’est le but… mais à titre personnel, je n’apprécie pas. Car à mes yeux, le documentaire doit avoir bien plus d’humilité que la fiction. Il est le reflet de la réalité. Certes, il y a toujours le prisme d’un regard, celui du réalisateur, qui rend l’exercice riche et « personnel » car il y a une vision derrière. Mais ça reste la réalité, ça reste des images de personnes qui ont été capturées dans leur détresse, leur joie, leur place dans l’histoire… et je trouve que le côté « musique de conquête/voix d’outre-tombe/effets visuels » ne fait pas honneur à ce qu’elles ont vécu et donne l’impression d’être dans une fiction.
Je trouve ça important qu’on se rappelle, justement, que ça n’en est pas une.
Sur le principe, je suis complètement d’accord et un bon documentaire ne se mesure pas aux effets spéciaux ou quoi que ce soit du genre mais à la profondeur de la réflexion dudit documentaire …
Cela dit, entre les programmes scolaires et les nombreux documentaires, livres et études sur le sujet, même notre génération se rappelle de cette période traumatisante, selon moi.
Du moins, je l’espère …